RÉSIDENT INDÉSIRABLE OU PROPRIÉTAIRE ABUSIF : COMMENT TRANCHER?

O n aura beau répéter qu’une RPA est un milieu de vie, qu’elle héberge des personnes vieillissantes et qu’elles sont de ce fait soumises à des normes strictes, il n’en demeure pas moins qu’elles sont aussi le lieu de rapports entre un locataire et un locateur, comme n’importe quel immeuble à logements…

Nous avons souvent consulté des baux provenant de RPA. Certains d’entre eux, des baux maisons, comme on les appelle, nous laissaient perplexes. Or un article récent, relatant les déboires d’un ancien résident d’une RPA de Québec, nous permet de poser diverses questions concernant le bail dans les RPA. Pour plus de détails sur cette histoire, nous vous invitons à lire les articles en question (1) (2).

Résident indésirable ?

Le résident en question décrit en quelques mots la situation qu’il a vécue :

Je me suis objecté à certaines clauses [de son bail], estimant qu’elles étaient abusives. J’ai été traité de locataire indésirable. (1)

Des locataires indésirables, il y en aura toujours et ce même dans les résidences pour personnes âgées. Encore faudrait-il définir ce que l’on entend par cette expression et voir si ce qualificatif s’applique à cette personne. Voici comment le résident décrit la situation :

Je ne me suis jamais laissé marcher sur les pieds (…). Les propriétaires ne l’ont pas pris (1)

Si bien qu’après avoir fait quelques plaintes (sur la nourriture notamment, les loisirs et quelques clauses de son bail), il été soumis à certaines restrictions, comme le retrait du repas qui était compris dans son loyer et divers autres services auxquels il avait droit.

Finalement, il a dû quitter la résidence après avoir reçu une notice lui annonçant que son appartement servirait désormais à accueillir des personnes en perte d’autonomie

Or, dans le bail de la résidence qui nous occupe, il y a la clause suivante :

En cas d’inconduite vis-à-vis de la direction, du personnel de la résidence ou envers les autres résidants, le locataire devra quitter les lieux dans un délai de quinze jours suivant la réception de l’avis. (1)

Ce résident a-t-il manifesté de l’inconduite?

A quel moment un résident devient-il indésirable? Qu’entend-on par inconduite ? Est-ce que contester constitue un acte abusif? Il semble que la direction de la résidence a très peu commenté les propos de l’ex-résident. C’est donc un cas qu’il faut suivre, car il nous semble qu’il éclaire certains aspects des rapports entre résidents et propriétaires dans le cadre d’une RPA.

Propriétaire abusif ?

Du côté du propriétaire, ces articles soulèvent aussi des questions intéressantes, en particulier en ce qui concerne le contenu des clauses du bail (jusqu’où peuvent aller les prérogatives du propriétaire) et la possibilité de les modifier par la suite.

Concernant la rédaction des clauses, la journaliste qui a relaté l’affaire nous avise que

Les locataires de résidences pour retraités auraient tout intérêt à lire leur bail, si l’on se fie à ces clauses en annexe du bail, au Manoir Duberger, qui laissent pour le moins perplexe. (1)

À vous de juger en consultant cet article. On souligne d’ailleurs que bien des résidents ont été propriétaires avant de venir vivre en RPA; c’est donc leur première expérience en tant que locataires.(2)

Certaines personnalités du monde RPA ont en tout cas dénoncé ces clauses comme étant « ultra contrôlantes »,et celles qui menaient à des menaces d’éviction, inacceptables.

On dénonce aussi cette tendance des propriétaires à parfois retirer des services qui sont pourtant inscrits dans le bail, comme par exemple, en utilisant une pièce qui servait à l’origine de lieux communs pour les résidents pour d’autres usages. Or l’article que nous avons consulté est clair à ce sujet :

Avant de modifier des services inscrits au bail, le propriétaire doit obtenir une décision de la régie du loyer (2)

De tout ce qui précède, les articles consultés font un constat qui en dit long :

Les plaintes touchant les résidences privées pour retraités ont presque toujours trait à la qualité de vie (2).

Un face à face…

Il semble bien que présentement, le problème se passe entre le propriétaire et chacun de ses résidents.

Difficile de savoir si des pratiques de ce genre sont fréquentes ou des cas isolés dans les résidences pour retraités, car la Régie du logement ne détient aucune donnée à ce sujet. (1)

La saga de ce résident continue. Espérons qu’elle contribuera à mieux régir les rapports futurs entre résidents et propriétaires dans le cadre d’une RPA.

REFERENCES

(1) Johanne Roy, « Conflit en résidence. Un couple âgé dénonce les agissements du Manoir Duberger »
http://fr.canoe.ca/infos/societe/archives/2011/12/20111210-223814.html

(2) Cynthia St-Hilaire et Johanne Roy, « Conflit en résidence. Le cas de Guy Boudreau suscite des réactions. »
http://fr.canoe.ca/infos/societe/archives/2011/12/20111211-203919.html

 
LA LOI 16 : UN AVANT-GOÛT
Pierre Tardif
 

L

e projet de loi 16, dont nous avons déjà parlé dans un article précédent (3), a finalement été sanctionné le 30 novembre dernier. Et dans la présentation, on nous apprend que cette loi entrera en vigueur le 30 novembre 2012. Vous avez donc le temps de « voir venir ».

Nous ne voulons pas décrire en long et en large tout son contenu. Vous pouvez consulter le texte en suivant le lien qui se trouve ici-bas (2). Mais voici quelques aspects de la loi qui vous donneront certainement l’envie d’en savoir plus…

Pour le cas des RPA (car cette loi s’applique également à d’autres secteurs de la santé et des services sociaux), des articles concernent entre autres les règles d’exploitation, les attestations temporaires, le maintien et le renouvellement du certificat de conformité, l’évacuation et la relocalisation des résidents et enfin la question des baux.

Types de services

On rappelle que l’agence de la santé et des services sociaux doit tenir à jour le registre des résidences.

Dans ces conditions, afin de bien comprendre ce qu’est une RPA, on s’applique, par exemple, à bien déterminer les types de services que peut offrir une RPA. Ainsi apprend-on dans l’article 346.0.1, alinéa 2 que

(…) outre la location de chambres ou de logements, différents services compris dans au moins deux des catégories de services suivantes, définies par règlement : services de repas, services d’assistance personnelle, soins infirmiers, services d’aide domestique, services de sécurité ou services de loisirs. (2) (p. 6)

Attestation temporaire et certificat de conformité

L’attestation temporaire et certificat de conformité : on y parle de la période de validité, des qualités requises pour l’avoir (formation, nombre d’employés, les cas de révocation, etc. (p.9)

Rappelons d’ailleurs l’article, 346.0.20.1 qui nous semblent justifier bien d’autres sections de ce projet de loi:

Nul ne peut exploiter un immeuble d’habitation collective sous un nom incluant les mots « résidence privée pour aînés » ou tout autre mot prévu par règlement du gouvernement, ou autrement laisser croire, de quelque façon que ce soit, qu’il est autorisé à exploiter une telle résidence s’il n’est titulaire d’une attestation temporaire ou d’un certificat de conformité. (p.14)

Révocation et relocalisation des résidents

De fait, on rappelle constamment le contrôle que l’agence doit porter sur les RPA, comme la révocation voire la relocalisation des résidents dans des cas de RPA non conformes…

Bien plus, selon l’article 346.0.20.2,

(…) une agence peut procéder à l’évacuation et à la relocalisation des personnes qui résident dans une résidence privée pour aînés lorsqu’elle a des motifs raisonnables de croire que l’exploitant de cette résidence s’adonne à des pratiques ou tolère une situation qui constituent un danger pour la santé ou la sécurité de ces personnes, dont notamment des actes de négligence ou de violence. (2) (p.14)

Le bail

Pour le cas de RPA qui change de statut, il faudra un préavis comme le stipule l’article 346.1.17.1, car

Le défaut, par l’exploitant, de donner à l’agence concernée un préavis de son intention conformément aux dispositions du présent article prive d’effet tous les articles qui, en application du Code civil relatives au bail d’un logement, doivent être donnés aux locataires préalablement à la cessation des activités de la résidence privée pour aînés (2) (p. 13).

L’accueil fait à la loi

Comme on le voit, il y a du nouveau dans l’air… Vous pourrez vous faire une meilleure idée en lisant le texte complet. Vous pourrez confronter vos conclusions à celles que nous avons relevées dans un précédent article concernant l’accréditation temporaire (3).

Et notons, pour enrichir le dossier, les commentaires de Mme Régine Laurent présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), pour qui le projet de loi 16 « manque de mordant », comme si les normes concernant le secteur privé et public avaient deux poids mesure, parce que l’on sert ainsi l’âge d’or au secteur privé sur un plateau d’argent. La FIQ soutient donc que

Les normes de contrôle se retrouvent allégées lorsque les capitaux privés sont investis :

Car il y a la

Volonté d’accélérer et de faciliter la privatisation du secteur de l’hébergement.

En conséquence, la solution serait de soumettre les RPA aux mêmes normes que celles du secteur privé...

Qu’en pensez-vous?

REFERENCES

(1) Pour des détails sur ce projet de loi :
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-16-39-2.html

(2) Pour le texte :
http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2011C27F.PDF

(3) Voir « Pour ou contre l’accréditation?, BRP 52,
http://www.richardperreault.ca/brp/52Web.html

(4) Amélie Daoust-Boisvert, Le projet de loi 16 manque de mordant, dit la FIQ
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/331481/le-projet-de-loi-16-manque-de-mordant-dit-la-fiq


LES ABUS DANS LES RPA : CAS ISOLÉS OU RÉCURRENTS?
Pierre Tardif

V

oila encore que l’actualité suscite des questionnements. Cette fois, notre question est la suivante : lorsque l’on décèle un abus dans une RPA : s’agit-il de cas isolé ou récurrent?

La question est loin d’être insignifiante puisqu’un accident qui a lieu dans une RPA de qualité mettra celle-ci, aux yeux de bien des gens, sur le même pied qu’une RPA médiocre où les abus sont fréquents.

Le problème avec les RPA, c’est que les cas de négligence amènent le plus souvent des drames, ce qui met automatiquement la RPA visée au rang des RPA condamnables… Mais tout drame dans une RPA, si on veut contrer les suivants ne changera pas la question ultime : cas isolé ou récurrent? Une grande part des décisions entourant l’organisation (ou la réorganisation complète) d’une RPA nous semble provenir de cette question toute simple.

Prenons le cas du CHSLD Côté Jardin à Québec. Quelques articles cités plus bas vous permettront d’en savoir plus, si ce n’est déjà fait. Rappelons simplement qu’après le décès d’une vieille dame il y eut l’accusation de négligence faite à la préposée, et une poursuite de 1,6 Millions pour le CHSLD. Et pourtant, ce dernier a malgré tout été félicité par l’ASSS pour la qualité de ses services. Le journaliste qui relate l’événement s’exprime ainsi :

Cette position laisse croire que l’Agence considère que la mort de Geneviève Saillant, 87 ans, le 2 novembre 2010, est un incident isolé (2).

Il faudra suivre l’actualité pour voir la suite de ce dossier. Cependant, un autre article laisse entendre que la préposée aux bénéficiaires, les autorités du CHSLD, avait toutes qualifications pour effectuer sa tâche et qu’il s’agit d’un pur accident.

Alors, qui a raison? Négligence ou accident? On verra la suite. Mais la nature de cette clientèle très fragile vivant en CHSLD oblige les autorités à se pencher sur chaque cas avec beaucoup de soins. Mais il faudra bien aussi se demander : est-ce un cas isolé ou récurrent?

La question peut même s’étendre non plus à un cas se passant dans une RPA donnée mais à l’ensemble des RPA. Ainsi, concernant la tendance qu’ont certains propriétaires à modifier certains services à leurs résidents et ce même si ces services sont inclus dans le bail, une journaliste conclut qu’il est :

Difficile de savoir si des pratiques de ce genre sont fréquentes ou des cas isolés dans les résidences pour retraités, car la Régie du logement ne détient aucune donnée à ce sujet. (4)