LE DICTIONNAIRE AU SERVICE DES PPP ?
Pierre Tardif

V

ouloir n’est pas la même chose que savoir ce que l’on veut.

Cet aphorisme peut sembler simpliste, mais il nous est inspiré par les déboires que connaît actuellement le CHSLD Saint-Lambert et qui ont bien sûr des conséquences dramatiques sur les usagers.

Car les quelques sources consultées (voir les références plus bas) nous laissent perplexes : Pour le cas qui nous occupe, le secteur public a peut-être voulu créer un PPP, mais sommes-nous réellement en présence d’un partenariat public privé ? Pour répondre à cette question nous proposons simplement, dans cet article, de revenir à la base… Et d’ouvrir un dictionnaire !

Le poids des mots

Le dictionnaire définit un partenariat comme suit : il s’agit d’une

Association d’entreprises, d’institutions en vue de mener une action commune

Action commune : le terme est lancé. C’était le but à l’origine du CHSLD de Saint-Lambert. En effet, un rapport recent parle

(…) d’un certain nombre de synergies possibles qui pourraient avoir lieu avec le CSSS Champlain dans le cadre d’un projet public (1)

Dans le dictionnaire, le mot Synergie est défini comme suit :

Mise en commun de plusieurs actions concourant à un effet unique avec une économie de moyens

Demandons-nous maintenant si la synergie fonctionne entre les secteurs privé et public pour le cas qui nous occupe. Rappelons ici que le secteur privé est représenté par le milieu des RPA et non celui des CHSLD conventionnés.

Les responsabilités du secteur privé

Pour ce qui est du secteur privé, Un passage du rapport cité plus haut, nous a particulièrement frappés :

Dans la littérature économique (PPP), la force comparative du secteur privé provient théoriquement de son objectif de maximisation des profits menant à sa capacité de produire plus de valeur avec des coûts inférieurs (1) (p.4).

Le secteur public fait donc appel au secteur privé pour sa capacité à faire du profit. Mais en revanche, les RPA présentent d’importantes lacunes quand vient le temps de desservir une clientèle en grande perte d’autonomie. En voici quelques unes, tirées des sources consultées (3) :

  • Les RPA n’ont présentement pas l’expertise suffisante pour desservir une clientèle en lourde perte d’autonomie (type CHSLD) ;
  • Le vieillissement qui s’accentue provoque forcément une hausse des dépenses ;
  • La formation du personnel en place exige du temps qui est pris sur les soins prodigués aux résidents ;
  • Les salaires très bas dans le milieu des RPA occasionnent une pénurie de main-d’œuvre et un roulement du personnel qui sont préjudiciables aux résidents ;
  • Il est à prévoir que les salaires seront augmentés dans les RPA ;
  • Etc.

Nous voyons présentement les conséquences de ces lacunes. Si bien que TVA Nouvelles nous apprenait le 14 juin dernier que :

pour rassurer les familles, l’Agence de santé de la Montérégie s’apprête à nommer quelqu’un du système public pour superviser temporairement les soins cliniques au CHSLD Saint-Lambert. (…) Selon nos informations, il aura même le droit d’apporter des correctifs nécessaires (2)

Le secteur privé laissé à lui-même ?

Il est frappant de constater que l’intervention du secteur public semble arriver après que l’on ait constaté les difficultés du secteur privé à fonctionner adéquatement. Aurait-il pu se manifester plus tôt en tant que partenaire ?

On se demande si le secteur public n’aurait pas surestimé la capacité du secteur privé à faire de l’argent au point de penser que ce dernier pourrait se débrouiller tout seul avec un minimum d’aide financière et de supervision. C’est en tout cas ce que suggèrent les appels d’offre qui ont précédé l’embauche du promoteur. Les critères d’embauche n’étaient manifestement pas fondés sur les exigences d’un CHSLD public…

Comme on le voit, ce texte n’avait pas pour but de se situer pour ou contre les PPP mais plutôt de rappeler qu’une définition (ou une redéfinition) est peut-être requise pour le cas qui nous occupe. Le dictionnaire nous apprend en effet qu’il faut des partenaires pour créer un partenariat…

REFERENCES

(1) MCE Conseils, CHSLD Saint-Lambert- sur – le golf (CHSLD PPP) Hébergement et soins en CHSLD accordés dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) avec l’ASSS de la Montérégie. Synthèse présentée par MCE Conseils, avril 2011
http://www.fsss.qc.ca/articles/CHSLD_SAINT_LAMBERT_SUR_LE_GOLF_Synthese.pdf

(2) TVA Nouvelles ‘ CHSLD Saint-Lambert sur le Golf. Un PPP sous la loupe,
http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2011/06/20110614-184600.html

(3) VILLENEUVE, Pascal, Rien ne va plus au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf,
http://lecourrierdusud.canoe.ca/webapp/sitepages/content.asp?contentid=195217&id=840

Pierre Tardif

U

n sondage récent, dont vous avez certainement reçu les échos, relevait un fait troublant : une majorité de gens ne voudrait pas aller vivre dans une résidence pour personnes âgées (RPA) (2). Ce qui nous intéresse ici, c'est surtout les commentaires de certains journalistes qui pensent que cette attitude du public s’expliquerait par les histoires d’horreurs rélatées dans les medias. Mais est-ce la seule cause de ce désintéressement ? Il nous semble pour notre part que ce manque d’intérêt pour les RPA ne s’expliquerait qu’en partie par leur mauvaise réputation. N’y aurait-il pas d’autres raisons qui pourraient s’ajouter telles que :

  • Les gens préfèrent rester le plus longtemps possible chez eux. Lorsqu’ils partent vivre en résidence, c’est parce qu’ils ne peuvent plus vivre chez eux et qu’ils ne veulent pas être un fardeau pour leurs proches (1) ;
  • Les RPA sont associées au vieillissement et le vieillissement est quelque chose à laquelle la plupart des gens préfèrent ne pas penser ;
  • Il ne faut pas parler des RPA d’une façon générale puisqu’il y en a plusieurs types ;
  • La courbe démographique fait en sorte que les baby boomers ne sont pas encore prêts à remplacer la cohorte actuelle des personnes âgées en allant habiter dans les RPA
  • Etc.

Ainsi, même si les RPA avaient meilleure presse, on peut poser l’hypothèse qu’une partie de la population âgée n’irait quand même pas y vivre à moins d’y être contrainte. Ce qui pourrait expliquer au moins en partie la faillite récente de certains gros promoteurs.

Et pourtant, l’un des grands promoteurs québécois disait récemment, dans une entrevue, qu’une majorité des résidents vivant dans ses RPA est heureuses d’y vivre. C’est donc dire qu’il y a une clientèle pour les RPA. D’où le taux élevé de satisfaction (qu’a révélé cette enquête commandée par ce gestionnaire à une firme de sondage neutre) puisque les personnes âgées qui n’aiment pas la formule des RPA ou n’ont pas le moyens ne vont pas y vivre.

De tout cela on peut conclure que les RPA sont là pour rester mais qu’il est en revanche dangereux de considérer la population âgée comme une masse compacte et uniforme. L’un des problèmes n’est à-il pas d’associer les RPA à toutes les personnes âgées ?

De nouvelles formules d’habitation pour une nouvelle clientèle ?

Aussi, une réflexion sur le rôle et l’importance des RPA dans notre société exige, selon nous, de leur trouver une niche dans l’ensemble du marché de l’habitation pour aînés.

En effet, on constate de plus en plus de formules nouvelles dont l’offre vient s’ajouter à celle des RPA ; mais (…) ces modèles émergeants auront besoin de souplesse pour s’étendre et ne pas être accessibles qu’aux plus riches (…) (1). On pourrait même ajouter à cela que cette diversification des formules d’habitation pour aînés ne concerne pas que les clientèles autonomes. La SCHL répertorie par exemple un grand nombre de formules pour les personnes atteintes de démence, leur permettant de rester dans la collectivité (3).

Est-ce à dire que les RPA vont disparaître ? L’exemple de la France démontre que ce n’est pas le cas. Mais elles devront sans doute coexister avec d’autres formules. Ce faisant, on pourrait aussi poser l’hypothèse qu’en cernant de plus près les personnes âgées susceptibles d’apprécier les RPA, les gestionnaires pourront afficher une image plus positive et annuler la mauvaise réputation qu’ont les RPA actuellement dans la mesure où elles répondront aux besoins d’une clientèle vendue à cette formule d’habitation.

Le mouvement est déjà amorcé. À quoi ressembleront les RPA du futur ?

REFERENCES

(1) DROLET, Anne, Résidence pour aînés : les baby-boomers ou le rêve de vieillir mieux
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201106/03/01-4405944-residences-pour-aines-les-baby-boomers-ou-le-reve-de-vieillir-mieux.php

(2) AQRP, Sondage exclusif de l’AQRP sur les résidences pour personnes âgées
http://www.aqrp.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=408&Itemid=46&lang=

(3) SCHL, Les choix de logements pour les personnes atteintes de démence, Société canadienne d’hypothèques et de logement, 1999, pp. 50-116

Pierre Tardif

O

n veut mieux contrôler les RPA et pour ce faire, on veut les rendre plus transparentes. Parmi les moyens projetés ou déjà mis en œuvre, on peut citer, à titre d’exemples, la certification, le contrôle des appels d’offre pour les RI voire pour les CHSLD, l’obligation de révéler les décès dans les RPA, le suivi par les médias etc.…

Mais il manque manifestement un acteur important, le gestionnaire qui, pourtant, se tient coi la plupart du temps devant la polémique.

Mais avant d’en parler, saluons cette démarche qui vise enfin à dénoncer au grand jour, systématiquement, les RPA fautives. C’est la première étape menant à l’acceptation pleine et entière, par les usagers potentiels, leurs proches ou tout autre membre de notre société, des RPA en tant que ressources d’habitation dignes de confiance.

D’ailleurs, depuis des années, les bons gestionnaires de RPA nous confient détester ces RPA fautives parce que ce sont elles qui suscitent cette crainte tenace chez le public. Mais ces gestionnaires nous ont aussi avoué que les gens ont aussi tendance à mettre toutes les RPA dans le même panier… Les bonnes comme les mauvaises !

Et nous voilà rendus à la deuxième étape menant à l’acceptation pleine et entière des RPA en tant que ressources d’habitation dignes de confiance : il faut que le public en vienne à ne plus jeter le bébé avec l’eau du bain, à ne plus considérer toutes les RPA sur le même plan, les bonnes comme les mauvaises. Pour ce faire, rien de mieux que la transparence, qui permet de distinguer le bon grain de l’ivraie…

On peut comprendre qu’à relever ainsi des histoires d’horreur provenant des résidences fautives, le public en vienne à craindre l’ensemble des RPA, à les considérer comme des lieux naturels pour les abus de toutes sortes. Lorsque les abus sont relevés et dénoncés, on peut donc considérer qu’un bout de chemin a été franchi. Un bout seulement. Le gros du travail sera de comprendre le mécanisme de ces abus afin de trouver un moyen de les enrayer.

Mais pour faire en sorte que les RPA soient moins mystérieuses et donc mieux comprises par la population, l’une des méthodes n’est-elle pas de discuter avec les gestionnaires de RPA ? Voyez par exemple l’entrevue qu’a accordée récemment Luc Maurice au Canal Argent (1) : Il n’a pas nié les problèmes, mais il a souligné qu’il était un homme de solutions.

De voir ainsi un gestionnaire parler de la réalité des RPA qu’il vit, pour ainsi dire de l’intérieur, nous semble rétablir l’équilibre. Car avouons que le fonctionnement d’une RPA est beaucoup plus complexe que l’image qu’en projettent généralement les médias; et qui de mieux pour en parler que les gestionnaires ?

 

(1) Pour visionner la vidéo :
http://argent.canoe.ca/video/archive/a-la-defense-des-residences-pouraines/974952900001/page/2