CRÉER DES NORMES ET LES FAIRE RESPECTER SONT DEUX OPÉRATIONS DIFFÉRENTES
Pierre Tardif

E

ncore une fois, effectuer une brève revue de presse peut s‘avérer intéressante, car elle démontre à quel point la problématique de l’habitation pour aînés est dans l’air tout en invitant évidemment les gestionnaires de RPA à prendre part au débat.

La conception de normes

Cette fois, il s’agit d’un article récent consacré au nombre inquiétant de décès de personnes âgées après avoir été ébouillantées dans leur bain. Alors que présentement la limite de la température de l’eau est fixée à 49C, Québec voudrait la baisser à 43C. Ce qui est intéressant, c’est que la régie du bâtiment, qui a fixé la norme, fait partie du groupe de travail qui a été créé pour se pencher sur la question... 49 degré semblait adéquat jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que ce n’était pas le cas pour des personnes vulnérables.

Ainsi, cet article nous suggère qu’il ne suffit pas de créer des normes pour régler des problèmes. Il faut aussi les voir fonctionner sur le terrain afin de vérifier si elles sont « viables ».

D’ailleurs, dans ce même article, la journaliste rappelle la triste histoire de ce vieux monsieur qui est décédé parce que le préposé qui était de garde avait débranché le système d’alarme pour ne pas être dérangé. La norme avait été respectée, mais dans la pratique…

Imposer le respect des normes

Dans le même article, la journaliste relate des faits qui témoignent que de nombreux décès ont été causés par négligence : des personnes âgées qui sont laissées seules, par exemple, ou qui sont victimes d’employés inadéquats, comme on le voit aussi dans un autre article (1). Ainsi, une fois les normes adaptées à une clientèle fragilisée, encore faut-il faire en sorte qu’elles soient respectées.

Durant leur certification, certains gestionnaires se plaignaient de l’attitude condescendante de certains représentants du système de santé, comme s’ils se prenaient pour de policiers dont la tâche était de surveiller les méchants gestionnaires...

Que ce soit vrai ou non, il faut rappeler que, de façon générale, les RPA fonctionnent bien. On pourrait supposer que la meilleure façon de régler ces problèmes pourrait être, bien sûr, d’augmenter le contrôle sur les RPA mais peut-être devrait-on aussi permettre aux gestionnaires de RPA de participer à leur propre développement en contribuant à l’élaboration de normes adaptées au milieu des RPA.

À l’écoute des gestionnaires

On aurait en effet intérêt à les écouter un peu plus.

Par exemple, ceux parmi vous qui avez assisté au forum Insight consacré aux résidences pour aînés, qui s’est déroulé les 30 et 31 mai derniers, ont pu constater que Richard Perreault était présent et qu’il a participé à une table ronde. Après l’événement, il a confié qu’il était très impressionné par les commentaires de ceux et celles qui assistaient à cette table ronde et qui étaient, pour bon nombre d’entre eux, des gestionnaires de RPA.

Or il semble que le ton a monté quand est venu le temps de parler de la certification. En gros, il fut question de la nécessité d’établir un ratio employés-résidents, de la difficulté de se certifier (parce que les pompiers et les travailleurs sociaux, selon certains, contribuaient à ralentir le processus) ou d’adapter la certification en fonction du niveau d’autonomie des résidents…

Il n’est pas question ici de se prononcer pour ou contre ces points de vue. Mais on doit avouer qu’ils sont basés sur une expérience quotidienne de la gestion de RPA. Parler du ratio employés-résidents, c’est évidemment soulever la question des services à offrir et de la rétention du personnel. Il d’ailleurs à noter que le concept semble bien implanté en France et qu’il est même un critère important pour évaluer une RPA (voir BRP no. 41). Parler de l’intervention des pompiers et des travailleurs sociaux, c’est aussi soulever la question des limites de leurs prérogatives. Enfin, parler de types de certification en fonction du degré d’autonomie des résidents, c’est au moins rappeler qu’il n’y a pas un type de RPA mais bien plusieurs…

Augmenter le contrôle sur les RPA est une chose nécessaire. Mais il est évident que les normes à imposer doivent être adaptées à la réalité bien particulière des RPA… Et pour ce faire, les gestionnaires de RPA devraient être consultés, pour ne pas réinventer la roue… ou ne pas faire fausse route !

Lorsque l’on regarde le processus de certification, on se demande si l’apport de certains gestionnaires compétents n’aurait pas fait avancer le dossier plus rapidement…

REFERENCES

(1) BOIVIN, Mathieu, «Paraplégique ébouillanté dans un CHSLD : des explications difficiles à avaler »
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201104/23/01-4392913-paraplegique-ebouillante-dans-un-chsld-des-explications-difficiles-a-avaler.php

(2) LACOURSIÈRE, « Ariane, Québec veut forcer les résidences à limiter la température de l’eau »
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201105/20/01-4401307-quebec-veut-forcer-les-residences-a-limiter-la-temperature-de-leau.php

Pierre Tardif

E

n quoi l’intelligence artificielle pourrait-elle aider le gestionnaire de RPA dans son travail quotidien ? La question mérite d’être posée. Après tout, on parle bien de domotique, de maison intelligente ! Voici une expérience menée par la SCHL sur la prévention des chutes dans la douche, au moyen de barres d’appui intelligentes...

Au départ, il y avait un constat : les personnes âgées utilisent peu les barres d’appui. Ils peuvent même utiliser d’autres appuis pour se tenir, comme le bord de la baignoire, ce qui est dangereux.

Inutile de dire que les chutes dans les RPA sont fréquentes De plus, les personnes âgées qui ont chuté développent souvent une peur de marcher. Par ailleurs, l’utilisation adéquate des barres de douche facilite le travail des employés. Compte tenu des problèmes de rétention du personnel dans les RPA, on peut conclure que toutes les initiatives visant à diminuer les risques de chutes sont les bienvenues, autant pour les personne âgée que pour les employés et gestionnaires !

L’idée était de créer des messages (sonores, visuels et audiovisuels) invitant les personnes âgées à utiliser les barres d’appui lorsqu’ils entrent dans la douche. L’expérience consistait à vérifier l’efficacité de ces stimuli. Toute la question était en effet de savoir si, grâce à ces messages, les personnes âgées qui participaient à l’expérience allaient développer un automatisme.

Pour la description plus précise de la démarche utilisée et des résultats, nous vous invitons à consulter le document (1). Disons simplement que l’expérience semble démontrer que ce genre de système pourrait être efficace. Les personnes âgées qui ont été ainsi « stimulées » ont effectivement eu tendance à utiliser les barres d’appui plus souvent après l’expérience. De plus, ils utilisaient beaucoup moins d’autres appuis qui n’ont pas été conçus pour cela, comme le bord de la baignoire.

Ce que cette expérience ne montre pas cependant c’est le temps nécessaire pour développer un automatisme. De plus, le système devrait être testé pour d’autres clientèles comme celles atteintes de démence, par exemple. Beau programme en perspective pour les chercheurs. On se plait à penser que quelques RPA pourraient participer à de telles expériences... Après tout, l’habitation pour aînés se doit d’évoluer constamment, et pour ce faire, quoi de mieux que la recherche sur le terrain ?

Ce que suggère cette expérience, c’est qu’il ne s‘agit pas d’installer des barres d’appui dans les douches d’une RPA pour que celle-ci soit conforme. Encore faut-il que les résidents les utilisent ! Cette expérience suggère en outre qu’il faut se préparer au vieillissement (les personnes qui ont participé à l’expérience étaient toutes autonomes) en acquérant le plus tôt possible de bonnes habitudes en matière de sécurité, et ce surtout dans le contexte du vieillissement de la population.

C’est à suivre !

REFERENCES

(1) Barres d’appui intelligentes : une initiative pour favoriser l’utilisation de la barre d’appui dans une collectivité qui héberge des personnes âgées, Le point en recherche, Série socio-économique 11-003, Mai 2011,
http://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/pdf/67276.pdf?fr=1307020578372

Pierre Tardif

L'

actualité nous prouve encore une fois que la problématique de l’habitation pour aînés est liée aux problèmes sociaux et de santé. La conjoncture agit sur les RPA et le contraire est aussi vrai…

Prenez le problème de la présence grandissante de personnes de plus en plus âgées dans les urgences. Ce fait ne relève pas seulement de certains problèmes structurels du système hospitalier ; il révèle aussi, selon nous, des carences à d’autres niveaux…

Pourquoi tant d’aînés dans les urgences ?

Selon les textes consultés, on peut fournir quelques éléments d’explication. Évidemment, il y a en premier lieu le vieillissement de la population, encore que l’achalandage puisse différer d’une région à l’autre, précisément en fonction de la courbe démographique (2).

Mais cela n’explique pas tout. Bien sûr, les personnes âgées comme les autres ont parfois besoin d’aller à l’urgence. Mais un grand nombre d’entre elles y restent simplement parce qu’il n’y a pas d’autres places disponibles (5). Résultat : les personnes âgées se retrouvent dans les urgences en attendant d’aller vivre dans un établissement de soins de longue durée. L’urgence n’est pourtant pas l’endroit idéal pour les loger, dans la mesure où elles souffrent de maladies chroniques. Par ailleurs, à l’hôpital, il semble que l’urgence soit devenue le lieu de prédilection pour loger tous ces gens, car il est plus facile de les centraliser à l’urgence que de les disséminer un peu partout dans l’hôpital !

Un grand nombre de lits sont ainsi occupés par des personnes qui devraient se retrouver ailleurs. Et les urgences qui ont des unités de traumatologie semblent afficher un temps d’attente moins élevé que celles qui accueillent des malades chroniques en plus grand nombre (3).

L’hôpital : la solution à tous les maux ?

On tente alors de trouver des solutions : création d’un poste dont le titulaire serait chargé de trouver des places plus appropriées aux besoins des personnes âgées et libérer ainsi des lits ; développement d’un logiciel de gestion de lits, création de lits supplémentaires dans l’hôpital ou de ressources supplémentaires dans les environs, etc. (4)

On est surpris de constater que tous ces efforts visent bien souvent, du moins à notre avis, à compenser les carences au niveau de l’habitation pour aînés… On déplore en effet le manque de ressources allouées pour le soutien à domicile et le fait que, finalement, les unités de soins de longue durée ne sont pas équipées pour garder tous ces gens, ce qui explique qu’on les héberge bien souvent à l’hôpital (4) .

Par ailleurs, si l’on parle de la difficulté de trouver un médecin de famille (ce qui ferait que moins de personnes âgées se retrouveraient à l’urgence), on pourrait ajouter que de nombreux gestionnaires de RPA se plaignent aussi de la difficulté de trouver un médecin qui se rendrait à leur RPA. Et pourtant, on souligne dans l’un des articles que les résidents des RPA souffrent fréquemment de dénutrition, et qu’ils se retrouvent souvent dans les urgences pour cette raison (2)

Ce qui prouve encore un fois que les secteurs privé et public peuvent et doivent s’entraider pour régler certains problèmes.

Références

(1) CHAMPAGNE, Sara, « Palmarès des urgences : une attente incurable »
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201105/26/01-4403238-palmares-des-urgences-une-attente-incurable.php

(2) LACOURSIÈRE, Ariane, « Des personnes âgées plein les urgences »
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201101/07/01-4358208-des-personnes-agees-plein-les-urgences.php

(3) LACOURSIÈRE, Ariane, « Un hôpital saturé, un autre débordé »
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201105/27/01-4403275-un-hopital-sature-un-autre-deborde.php

(4) LACOURSIÈRE, Ariane, « Vieillissement de la population : l’enjeu de l’heure »
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201105/27/01-4403270-vieillissement-de-la-population-lenjeu-de-lheure.php

(5) « Débats : urgences : peut-on réduire le temps d’attente ? Votre point de vue »
http://www.cyberpresse.ca/place-publique/la-presse-debats/201105/27/01-4403612-debats-urgences-peut-on-reduire-le-temps-dattente-votre-point-de-vue.php