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JANINE SUTTO - LA GRANDE DAME DU THÉÂTRE AU QUÉBEC
9 Octobre 2007

Par Céline Petit-Martinon

 

 "À mon avis, la vie n'a de sens qu'en la partageant, oui, le partage est essentiel pour chacun de nous. Si vous êtes seul, plus de famille, plus d'ami, partagez avec un chien, un chat, un oiseau ou mieux, avec des personnes plus seules que vous et dont vous pouvez peut-être adoucir l'existence "(1).

 

 

L'aventure d'une vie

 

Janine Sutto, quelle femme et quelle carrière éblouissante ! La passion du théâtre est la flamme qui a consumé toute sa vie et lui a donné sa raison d'être. Elle me reçoit chez elle avec gentillesse au moment des Fêtes et j'aurais aimé avoir une caméra pour vous rendre ces moments magiques.

 

Pendant plus de deux heures, Janine égrène avec moi plein de souvenirs et d'aventures d'une vie si bien remplie. Elle se rappelle de Jean Gascon et des fondateurs du Théâtre du Nouveau Monde avec qui elle interpréta une grande partie du répertoire classique. Mais aussi les mille et une aventures partagées avec Yvette Brind'Amour et Mercedes Palomino au Théâtre du Rideau Vert.

 

– Tu devais avoir le goût de l'aventure pour te glisser aussi facilement dans la peau de tous ces personnages.

 

– Non, c'est mon père qui était un grand aventurier. Il voyageait partout à travers le monde, car il travaillait dans le cinéma pour la Maison Pathé. En 1908 par exemple, il tournait aux îles Salomon chez les Papous. (Janine se lève et va décrocher du mur une photo qu'elle me présente avec émotion.) Voila mon père en 1908 aux îles Salomon, chaîne d'îles de la Mélanésie dans le Pacifique.

Ma mère était la secrétaire de M. Pathé et parlait trois langues : le français, l'anglais et l'allemand qu'elle tenait de sa mère alsacienne. C'est sans doute ces histoires qui ont bercé mon enfance qui m'ont donné autant d'imagination et peut-être le goût du théâtre.

 

 

Un parcours peu banal

 

Janine Sutto est née à Paris en 1921. Elle a 9 ans lorsque ses parents déménagent à Montréal.

 

– Mais à 9 ans, changer de pays, c'est déjà devenir une grande personne. Je me revois encore sur le bateau lorsqu'on émigra, c'était sur L'Olympique. J'ai commencé à lire Les quatre filles du Dr March et Les Lettres de mon moulin de Daudet. Depuis, l'amour de la lecture ne m'a jamais quittée. J'ai toujours lu et je lis encore beaucoup. Lire, c'est une ouverture sur le monde et sur les gens, je ne peux pas m'imaginer une vie sans lecture. Grâce à la lecture, je ne m'ennuie jamais, car avec un livre on n'est jamais seul.¨

 

Au Québec, c'était pour moi une nouvelle aventure. À l'époque, toutes les écoles ou presque étaient tenues par des sœurs. Il fallait porter un uniforme. Ma mère n'aimait pas beaucoup ça, ce qui fait que je changeais d'école tous les ans. Mais je n'étais pas malheureuse, car on avait comme voisins les Riddez : Mia et Sita et une autre famille française où il y avait huit filles, un garçon, des chats et des chiens et je pouvais jouer avec eux. Et pendant la période des vacances, j'allais à leur chalet d'été dans les Laurentides.

 

– Et le théâtre ?

 

– L'idée du théâtre, je l'ai toujours eue, mais j'étais tellement timide que je n'en parlais à personne, pas même à mes amies d'enfance. À Paris, petite fille, j'allais beaucoup au cinéma avec ma mère et quand je suis arrivée ici, les enfants n'entraient pas au cinéma parce qu'il y avait eu un incendie au Cinéma Laurier et il fallait avoir 16 ans pour y entrer.

 

 

Début de carrière à la radio

 

– En fait, c'est grâce à Guy Maufette, qui était un ami de mon frère, que j'ai débuté à la radio, à 14 ans, dans des feuilletons comme « Vie de famille », « Clémentine » et autres. Au théâtre, c'est dans la pièce L'Aiglon que je débutai par un très petit rôle, au Théâtre Arcade, dans les années 39 ou 40. À cette époque, comme il n'y avait plus de films qui venaient d'Europe à cause de la guerre, le théâtre remplaça le cinéma.

 

À Montréal, le principal initiateur du théâtre fut M. Alexandre De Sève, qui possédait trois salles de cinéma : L'Arcade, le Saint-Denis et le National, où l'on jouait du burlesque avec Mme Ouellette, La Poune.

 

À L'Arcade, il y avait un peu de tout, on changeait de pièce toutes les semaines, on jouait deux fois par jour et on fournissait nos costumes. On était surtout très peu payés, mais c'était une époque formidable et les comédiens, nos aînés, nous enseignaient tous les trucs de scène. Avec eux on apprenait beaucoup, car il n'y avait pas d'école de théâtre.

 

C'est en 1943 qu'avec Pierre Dagenais on a fondé la troupe Le Théâtre de l'Équipe. Je me suis mariée avec Pierre en 1944 et je me suis séparée un an après, mais L'Équipe a continué et je suis partie en France en 1946 pour un an.

 

 

La famille

 

– C'est à cette période que j'ai rencontré Henry Deyglun, qui était auteur de plusieurs séries de radio. Et, en 1958, nous avons eu nos deux filles jumelles : Mireille et Catherine, que j'ai élevées tout en poursuivant ma carrière.

 

Lorsque l'on veut faire les deux en même temps, il faut savoir se débrouiller, et comme dans ce temps-là on était pauvres, j'ai travaillé dur et Henry aussi. On habitait Vaudreuil, alors tu peux t'imaginer tous les voyagements. Mais heureusement, Radio-Canada était juste à côté de la gare Windsor et je prenais le train pour venir en ville. J'en profitais pour apprendre mes textes dans le train. Il fallait d'abord avoir une bonne santé, mais aussi une bonne gardienne. Puis on est rentrés en ville quand les enfants avaient 3 ou 4 ans. Pendant deux ou trois ans, je n'ai pas fait de théâtre mais beaucoup de télévision et cela nous a aidés à mieux vivre, car ça payait beaucoup mieux que le théâtre.

 

 

Réflexions sur le théâtre

 

– La chance, ça arrive quelquefois lorsqu'on t'offre en même temps deux ou trois choses. Là, il faut que tu choisisses la bonne, car tu ne sais pas ce que sera la suite. La chance, c'est de faire le bon choix au bon moment.

 

Pour moi, au théâtre, il y a deux choses importantes : le réalisateur et la cohésion de l'équipe. Par exemple, j'ai vu la pièce « Les Muses orphelines » montée par Brassard au vieux Théâtre D'Aujourd'hui sur Papineau et la même pièce vingt ans plus tard, au même théâtre, montée cette fois par René-Richard Cyr. Deux pièces complètement différentes. C'est le même texte, les mêmes personnages, mais c'est une autre vision, une autre direction et c'est ça qui fait la différence.

 

Les tournées, j'ai toujours adoré ça, peut-être parce que ça me sortait de la maison, où j'étais submergée ! Je connais bien la province de Québec, tu ne peux pas me coller là-dessus. J'ai aussi toujours adoré les théâtres d'été. 

 

 

Projets récents

 

– Une des choses formidables, l'année dernière à l'Usine C, c'est le fameux projet de Brigitte Haentjens qui réunissait cinquante comédiennes sur scène. Personne n'avait fait ça auparavant et ç'a été extraordinaire !

 

Et en avril ce fut la pièce de Marc Dalpé : « Août, un repas à la campagne », à la Licorne. On a tous adoré jouer ça pendant deux mois, et à l'automne 2007 on part en tournée.

 

À la télé, dans « Rumeurs », je joue la mère de Véronique Le Flaguais. J'ai une très belle scène dans le film « Congorama », de Philippe Falardeau, et j'ai aussi joué dans le film de Carole Laure, « La Capture ».

 

 

Transmettre sa passion

 

– J'ai commencé à donner des cours de théâtre chez moi pour préparer les élèves à entrer aux écoles de théâtre. Et j'ai eu de très bons élèves. Un jour je reçois un garçon de couleur qui a l'air d'avoir 12 ans. Je suis surprise, je le fais entrer et là, je me demande qu'est-ce que je vais lui faire travailler. Comme professeur, quand tu reçois un élève, tu te demandes, selon son physique et son genre, ce qu'il ou elle pourra jouer. Je lui ai donné des cours, il est entré à l'école de Sainte-Thérèse… c'était Normand Brathwaite ! J'ai aussi donné des cours à Alexis Martin, Yves Soutière, Serge Postigo et plusieurs autres.

 

Le théâtre, c'est un métier difficile, et voilà ce que je dis aux élèves qui veulent s'y engager sérieusement : « Soyez prêts à tout, car vous allez peut-être avoir des traversées du désert. Mais si vous aimez ça et que vous savez vous organiser, vous y arriverez. Il faut aimer ça passionnément, sans ça, faites autre chose. »

 

 

Mes deux trésors : Mireille et Catherine

 

Nous connaissons bien Mireille, qui poursuit une carrière passionnante et variée. Elle va bon train son propre chemin. Mais Janine a gardé près d'elle son autre fille, Catherine, handicapée, qui a maintenant 48 ans.

 

Janine a accepté d'être la porte-parole de l'École Peter Hall, pour enfants handicapés. Elle a un message pour les parents et grands-parents qui ont un enfant handicapé : « Battez-vous, ne lâchez jamais. C'est difficile par moments, mais accrochez-vous, car on est comblés. Il y a maintenant plus de moyens qu'autrefois, n'hésitez pas à demander l'aide de spécialistes. Si je n'avais pas été aidée, je n'aurais pas tenu le coup. Vivre avec Catherine, ce n'est pas une épreuve. Quand c'est ta fille, il n'y a rien de plus naturel que ça. Elle est adorable et je suis récompensée mille fois. Elle se débrouille assez bien dans la maison. La seule inquiétude que j'ai, c'est qui va s'occuper d'elle lorsque je ne serai plus là ? C'est la seule question que je me pose depuis quinze ans.

 

J'ai eu beaucoup de bonheur avec elle, et le bonheur ça se fait à deux. C'est comme au théâtre, ça se fait à deux : les gens sur scène et la salle, pour les moments bénis. Et quand des comédiens me disent « le public n'était pas bon ce soir », je leur réponds « et nous, comment on était ? »

 

– Quand nous feras-tu le plaisir de nous offrir tes mémoires ?

 

– C'est en préparation, mon gendre Jean-François Lépine a accepté de le faire.

 

 

Merci Janine de m'avoir accordé de ton temps si précieux. Tu es et demeures pour nous qui t'aimons la Grande Dame du théâtre au Québec.

 



(1) Témoignage de Janine Sutto extrait de L'Album photographique d'Isabelle Clément paru aux Éditions Fides.

 

Céline Petit-Martinon

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