Bottin Aines Hébergement Richard Perreault

 

 

Consultez la version PDF du dernier numéro de L'Indice Consultez le Bottin Aînés Hébergement Consultez les archives de la revue Aînsé Hébergement
 
Imprimer cette chronique Commenter cette chronique Envoyer à un ami

C’est une simple goutte d’eau, mais c’est la mienne !
16 Juillet 2007

Laurent Tessier, retraité depuis 1999 de l'Université de Sherbrooke, s'est d'abord servi de l'argent qu'il a économisé en cessant de fumer pour voyager... S'il a effectué son premier voyage à 40 ans, il n'en est plus vraiment là, préparant pour octobre prochain son... cinquante sixième départ !

Par Sébastien Lévesque

 

Un voyageur devant l'éternel!

S'il voyage, c'est d'abord et avant tout pour aider, pour bâtir un monde meilleur ; il résumera d'ailleurs son histoire avec cette humble phrase : C'est une simple goutte d'eau dans l'océan, mais c'est ma goutte d'eau à moi ! Rencontre avec un conteur exceptionnel, un homme de cœur et quelqu'un pour qui l'entraide n'a pas de frontières.

Ouvert sur le monde, c'est d'abord vers Haïti qu'il s'est tourné, ayant des amis de l'université originaires de ce pays. Ce fut un véritable coup de cœur : ses quinze voyages dans ce petit pays, l'un des plus pauvres de la terre, ainsi que les deux enfants qu'il y a adoptés en sont des preuves qui parlent d'elles-mêmes. Puis ce fut la Pologne, le Venezuela, l'Espagne et la France, par le biais du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, qu'il a d'ailleurs parcouru à six reprises.

Il a aussi planté 10 000 plants de café à Santa Lucia au Nicaragua, avec une coopérative de jeunes de l'Université de Sherbrooke, et finalement, il œuvra dans un centre pour polytoxicomanes au Pérou le printemps dernier. Et ce sera l'Égypte et son Mont Sinaï en octobre prochain pour une ouverture aux autres religions, alors qu'il sera accompagné de palestiniens musulmans, de prêtres catholiques français et de juifs d'Israël…

 

Haïti mon amour

Haïti est donc le plus grand coup de cœur de Laurent Tessier : « C'est d'abord pour aider que je suis allé seconder les communautés religieuses qui sont dans le domaine de la santé, mais surtout pour faire des menus travaux qu'elles ne peuvent pas toujours faire : peinturer, réparer, entretenir les lieux tout simplement, ou encore faire de l'écoute, ce qui est encore plus valorisant. Il m'est arrivé, en Haïti, de passer des heures avec les vieux qui n'ont pas personne, sortir des livres, leur faire la lecture, mais aussi les écouter se raconter. Et ils sont tellement contents de voir que quelqu'un vient de si loin spécialement pour eux... »

 

Heureux papa !

Il a tellement aimé le pays qu'il y a adopté deux enfants, dont son aînée (qui a aujourd'hui 22 ans) à l'âge de 18 mois... Un âge approximatif fixé par les médecins pour les besoins de l'adoption, car la petite est une enfant abandonnée. Son garçon est lui aussi un enfant de la rue, qui ramassait du riz afin de nourrir ses parents. Mais malheureusement, ses parents sont tous les deux morts de faim... « Il a donc été mis dans un orphelinat du nom de "Caipanou", qui en créole signifie "Maison pour nous", qu'un ange sur deux pattes, une dame du nom de Miss Matt, avait ouvert pour les enfants de la rue. Quand cette dame est décédée, ce fut grâce à l'entreprise de sœur Lise Brosseau, une religieuse de Sherbrooke qui me servait toujours de contact lors de mes voyages en Haïti, que ce petit bonhomme-là a trouvé une famille... Elle m'a dit : "Ce petit gars, il me semble qu'il serait bien à la campagne, comme sur ta terre à Bonsecours." J'ai alors regardé mon épouse et nous nous sommes laissés convaincre. » C'est avec beaucoup d'émotion qu'il se souvient de cet épisode.

« Il y a un paquet de choses qui est dit sur Haïti, mais il faut connaître le pourquoi des choses... Trois cent ans d'esclavage, menés par des dictateurs, les gens, très pauvres pour la très grande majorité, n'ont pas vraiment d'idée, dans leur famille ou ailleurs, du sens réel de la démocratie... Et la démocratie, c'est la liberté. Haïti, c'est le pays le plus aidé au monde, mais malheureusement beaucoup de ces fonds-là enrichissent les dictateurs. L'argent ne se rend pas où il devrait aller et la misère continue. »

 

Tout l'espoir du monde dans les yeux d'un enfant

Pour illustrer toute la résilience du peuple haïtien, à qui il voue une fierté sans bornes, M. Tessier nous raconte encore cette histoire absolument extraordinaire qui lui a été donnée de vivre là-bas : « Un matin qu'on allait à Port-au-Prince acheter des denrées pour nourrir des enfants pauvres, en avant de nous, dans Pititionville, un secteur dans les montagnes où vivent les bourgeois, il y avait un camion rempli de gravier, avec trois enfants accrochés à l'arrière, armés de petites chaudières pour aller chercher de l'eau, qui sortaient de Cité-Soleil, l'un des plus gros bidonvilles d'Haïti. Voilà donc une grosse camionnette blindée des Chimères, qu'on appelle aussi les Macoutes, qui monte en sens inverse avec leur gros criard... Quand ils passent il faut se tasser du chemin !

« Donc le camion s'est tassé, mais le chemin était tellement mauvais que le camion s'est renversé... Alors des trois enfants, une petite fille est morte carrément écrasée sous le camion. Par contre, un petit garçon de 10-11 ans était là, avec plein de gravier qui lui avait ouvert le bras... Donc, je débarque de l'auto, j'enlève ma ceinture pour lui faire un garrot, afin d'arrêter ce sang-là qui coulait... Alors je l'ai emmené au dispensaire de Canape-Vert pour se faire soigner.

« Sur place, le médecin a dit : "On peut pas rien faire. Dans la nuit, les Chimères ont volé les réserves de sang qu'on avait, parce qu'ils ont peur que la guerre civile éclate." Donc les riches se sont encore servis les premiers. J'ai alors dit : "Attends, regarde donc si mon sang pourrait être compatible." Donc ils ont pris une prise de sang et on a été chanceux, mon sang l'était (compatible). Mais j'avais jamais fait ça, donner mon sang de bras à bras... Ç'a donc été une transfusion directe. Je te dis qu'en dernier, tu commences à voir des étoiles... Mais le docteur m'a rassuré : "Y'a pas de danger, Laurent, tu te reposes pis en 24 à 48 heures, ton sang se refait." Mais finalement, comme on pouvait pas l'opérer à froid, sans anesthésie, malheureusement y'a fallu couper le bras du petit bonhomme...

« Trois semaines après, comme j'étais encore en Haïti, je suis allé m'informer pour voir comment il allait. Donc j'arrive sur place, je demande à son père où est-ce qu'il est... Il me pointe la cour en disant qu'il est parti jouer. Là, tout d'un coup, je le vois arriver en criant "Laurent ! Laurent !" Pis là il me demande "Comment ça va ?" Là je lui dis : "Mais toi, comment tu vas ? Je viens prendre de tes nouvelles." Il me regarde droit dans les yeux, et tu sais, un enfant, tu sais jamais ce qu'il va te sortir, mais tu sais que c'est toujours vrai, sans malice. Il me dit : "Je suis chanceux... Si, au lieu d'un bras, je me serais fait couper une jambe, j'pourrais plus jouer au football avec mes amis..." » Pour Laurent Tessier, c'est ça la résilience.

 

Plan B pour Lima

N'ayant pu retourner en Haïti à cause d'une situation politique intenable, il s'est tourné vers le Pérou, où il allait pour la toute première fois. Il a passé cinq semaines dans ce pays d'Amérique du Sud, avec les Frères de la Charité qui ont là-bas un Centre de désintoxication pour cocaïnomanes et alcooliques, ainsi qu'un Centre de la petite enfance pour handicapés mentaux et physiques, pour les personnes de 4 à 16 ans, où M. Tessier a œuvré tout particulièrement.

Il dit avoir particulièrement apprécié l'espoir qui règne en ce pays, il parle de Lima avec ses trente universités, une réalité qu'on ne soupçonnerait pas, bien qu'il souligne ironiquement que c'est la ville au monde comptant le plus chauffeurs de taxi possédant un baccalauréat. « Il y a présentement plusieurs entreprises qui sont installées là-bas parce que, tout comme au Mexique, les salaires sont encore très bas. Par exemple, le salaire moyen d'un ouvrier de la construction est de 8 $ par jour pour des journées de douze heures... Mais là aussi j'ai espoir que les salaires vont finir par grimper et il va y avoir des jours meilleurs parce qu'ils ont un atout majeur : la jeunesse. Il y a beaucoup d'enfants, on en voit partout... Mais ils sont prêts, ils sont porteurs d'une semence en eux, ils ont l'instruction, la force... Alors j'ai grande confiance. »

Autre point intéressant, il y a dix-sept climats au Pérou, donc on trouve de tout : de la richesse, des coins pour manger qui sont extraordinaires, des montagnes à couper le souffle avec de la neige éternelle au sommet, et, où j'étais, c'était littéralement le désert, alors qu'ils n'ont pas eu de pluie depuis trois ans.

 

Compostelle… pour le repos du guerrier

Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, que plusieurs chrétiens font au moins une fois dans leur vie, lui, il s'en sert pour se ressourcer, pour « accrocher le sac à dos » comme il dit. C'est d'ailleurs pour cela qu'il l'a fait à six reprises. « C'est une piqûre, explique-t-il, mais d'une année à l'autre, c'est jamais la même chose, les rencontres sont différentes. En plus de la campagne, de l'air pur, c'est bon pour la santé... de la bonne nourriture, de l'histoire, de la culture européenne

– tu arrives dans des villes espagnoles qui ont 2 000 ans d'histoire. C'est aussi ça que ça m'apporte... »

La route en elle-même fait traverser six cultures différentes. C'est donc un enrichissement extraordinaire pour tout être ouvert sur le monde, explique M. Tessier. Et curieusement, au fil de ses rencontres et de ses conversations à bâtons rompus tenues sur la route, il croit aujourd'hui fermement que le Québec, sur le plan idéologique, est plus proche du peuple espagnol que des Français, tout particulièrement du peuple basque qui, tout comme les Québécois, aspire à sa pleine souveraineté. « Quand tu fais quelque chose comme ça, ça t'amène à une plus grande ouverture d'esprit, à comprendre avec une plus grande sagesse le pourquoi des choses... », termine-t-il avec philosophie.

Sébastien Lévesque

Imprimer cette chronique Commenter cette chronique Envoyer à un ami


Commentaires d'internautes:

Autres chroniques: Loisirs

Autres Catégories

Vous avez un commentaire sur cette chronique?

Votre nom:
Commentaire:
  
          


Copyright © Aînés Hébergement © Tous droits réservés