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Unir deux médecines au nom de la santé
17 Juillet 2007

Par Sébastien Lévesque

En matière de santé, la voie de l'avenir est le modèle hybride, nous dit avec conviction Mme Nancy Roy, naturopathe de formation et cofondatrice de la Maison de la Santé. Pour la santé et le mieux-être du patient, ce modèle intègre tant la médecine conventionnelle que les médecines douces – les MACS, pour médecines alternatives et complémentaires, selon l'appellation de l'Université Laval. Dans un article intitulé « La dure leçon des médecines douces » et publié dans le magazine Contact de l'Université Laval, le journaliste Jean Hamann souligne que 70 % de la population canadienne, dont cinq millions uniquement en 2004, a quitté la voie de la médecine conventionnelle pour se tourner vers les médecines douces au moins une fois dans sa vie. C'est donc une tendance en nette progression qui semble beaucoup plus qu'une mode, c'est un nouveau phénomène de société en matière de santé publique.

 

En revanche, nous disent les intervenants rencontrés, tant du milieu conventionnel qu'alternatif, le fait qu'il n'existe présentement aucune certification ni reconnaissance de la compétence des praticiens dans le domaine alternatif engendre beaucoup de méfiance, rendant la cohabitation exceptionnelle. En effet, n'importe qui peut actuellement s'improviser naturopathe, phytothérapeute ou aromathérapeute, déplorent-ils tous. C'est dans cette optique qu'Aînés Hébergement s'est intéressée au phénomène en émergence et vous brosse ici un portrait de ses découvertes.

 

L'alternatif

Nous avons contacté le naturopathe et spécialiste des huiles essentielles, Maurice Nicole, de l'Institut d'aromathérapie scientifique pour avoir sa vision des choses. Comme il pratique la naturopathie et l'aromathérapie depuis plus de vingt ans, les huiles essentielles et les produits naturels n'ont plus de secret pour lui. Il parle de son métier de naturopathe comme d'une véritable vocation. Il considère les huiles essentielles comme l'outil privilégié du naturopathe, mais un outil parmi plusieurs autres.

Il explique que les huiles essentielles existent depuis plus de sept mille ans selon les premières traces reconnues, notamment grâce aux écrits de l'Ayur-Veda, un genre de bible hindoue. Sur un plan plus contemporain, c'est vers 1860 qu'ont eu lieu les premières recherches scientifiques sur le sujet, à l'Institut Pasteur, et celles-ci se sont multipliées jusqu'à la découverte des antibiotiques en 1930. On s'est alors désintéressé des plantes parce que contrairement aux produits « synthétiques », on ne pouvait pas les breveter et donc en tirer une exclusivité ou des redevances, croit M. Nicole. Cette opinion est partagée par le Dr Michel Lucas dans le dossier sur les oméga-3, un autre produit naturel difficile à financer parce que non brevetable.

Quant aux grandes valeurs qui orientent sa pratique, il nous explique que la curiosité, l'ouverture d'esprit et un sens critique sont les principales qualités à posséder pour se faire une place dans ce domaine. Il faut aussi placer le bien-être des patients en priorité dans ses interventions. « Il y a une place pour tout, résume-t-il, et la chose la plus importante à retenir, c'est qu'il y a des solutions, mais surtout des solutions de rechange à la médecine conventionnelle. »

Il ne voit cependant pas d'opposition entre les deux types de médecine, dans la mesure où le but est commun, soit le bien-être du patient. C'est le désir d'offrir un soulagement rapide aux souffrances des gens qui l'a orienté vers les huiles essentielles. « Avant, explique-t-il, je donnais des conseils à ceux qui venaient me voir : quoi modifier dans leur alimentation, de meilleures habitudes de vie, etc. Mais souvent les gens venaient me voir en état de douleur et ils voulaient des résultats instantanés... Aussi j'ai recherché quelque chose qui les soulagerait rapidement de leurs symptômes, sans les effets secondaires propres aux médicaments. Après, s'ils ont moins mal, bien des gens deviennent plus ouverts à écouter le reste des conseils. »

Il soutient cependant que l'aromathérapie est très mal connue, même souvent par les naturopathes eux-mêmes, ce qu'il trouve bien triste. Il a donc fondé l'Institut d'aromathérapie scientifique pour pallier cette lacune. Les médecines douces représentent pour lui une solution de rechange viable et reconnue pour de nombreux problèmes de santé.

Il estime que sa clientèle type a entre 35 et 60 ans, qu'elle est généralement ouverte d'esprit et à la recherche de solutions différentes. Elle serait encore composée de femmes huit fois sur dix, ce qu'il trouve un peu triste. Le naturopathe se définit avant tout comme le spécialiste du mode de vie et, selon lui, cela passe par l'écoute des patients : « Aucune entrevue chez nous ne dure moins de quatre-vingt-dix minutes, nous explique-t-il, sinon comment voulez-vous connaître l'histoire et les habitudes de la personne qui est en face de vous ? C'est impossible. C'est une des raisons fondamentales qui fait que les gens se tournent vers une autre forme de médecine, plus humaine, plus personnalisée.

Quant à l'avancement de la reconnaissance des médecines douces, bien qu'il admette l'existence d'une chaire d'études universitaires qui leur est consacrée, la Chaire Lucie et André Chagnon de l'Université Laval, il a de sérieux doutes quant à sa réelle efficacité.

 

Le volet scientifique

La pratique de la médecine conventionnelle et l'ouverture d'esprit ne sont pas incompatibles; les Drs François Lespérance et Michel Lucas en sont deux exemples probants. Leurs efforts pour offrir une meilleure qualité de vie à leurs patients les ont menés sur la piste des oméga-3, une révolution en santé publique.

Les oméga-3 sont des acides gras polyinsaturés essentiels, car ils ne sont pas produits par l'organisme. C'est donc uniquement dans l'alimentation ou ses suppléments qu'on peut les obtenir. Outre des effets bénéfiques sur l'équilibre émotionnel, les oméga-3 sont également efficaces pour prévenir les maladies cardiovasculaires ainsi que pour régulariser la tension artérielle. De plus, ils sont recommandés pour traiter certains cas d'arthrite rhumatoïde.

D'abord le Dr Lucas tient à séparer deux types d'oméga-3, ceux d'origine végétale (qui se trouvent surtout dans la graine de lin, l'huile de canola et les noix de Grenoble) et ceux d'origine marine (principalement trouvés dans les poissons gras comme les anchois, la sardine, le thon et le saumon). Les oméga-3 d'origine marine constituent la plus importante source d'acide eicosapentanoïque (EPA) et d'acide docosahexanoïque (DHA), deux acides gras essentiels à l'organisme. Par contre, les produits d'origine végétale produisent davantage d'acide linoléique (AL) et alpha-linoléique (ALA).

Le Dr Lucas s'exprime ainsi : « Notre régime alimentaire moderne ne nous assure que 30 % de nos besoins en oméga-3. Dans ses recommandations officielles, l'American Heart Association (AHA) reconnaît qu'un apport quotidien de 0,5 à 1,8 g par jour d'EPA et de DHA réduit significativement toutes causes de mortalité et celles qui sont de nature cardiovasculaire. En ce qui concerne l'ALA, principal oméga-3 d'origine végétale, un apport de 1,5 à 3 g par jour serait bénéfique selon l'AHA.

Pour les personnes ayant une maladie coronarienne connue, l'AHA recommande la consommation de 1 g par jour d'EPA et de DHA afin de diminuer leur risque de mortalité. En prévention, pour les individus sans maladie coronarienne connue, l'AHA recommande la consommation d'au moins deux repas de poisson gras (maquereau, saumon de l'Atlantique, hareng, sardine, thon) par semaine, ce qui fournit environ 500 mg d'EPA et de DHA par jour. Selon les spécialistes de l'ISSFAL (International Society for Study of Fatty Acids and Lipids), les apports suffisants en ALA, EPA et DHA ont été établis, respectivement, à 1 % et à 0,3 % de l'apport énergétique, ce qui correspond à 2,2 g d'ALA et à 650 mg d'EPA et de DHA par jour pour un apport de 2 000 kcal. L'organisme a indiqué dans ses recommandations qu'un apport minimal de 500 mg en EPA et DHA était nécessaire à la santé cardiovasculaire. »

L'EPA est le seul oméga-3 à avoir démontré dans des études cliniques, comme celle du Dr Andrew Stoll à Harvard (Stoll et collab., Archives of General Psychiatry, 1999), celle du Dr Nemets en Israël (Nemets et collab., American Journal of Psychiatry, 2002) ou celle du Dr François Lespérance au CHUM, pour ne nommer que celles-là, une réelle efficacité sur les troubles de l'humeur. Une bonne consommation de cet acide gras réduit les symptômes de dépression et d'anxiété et contribue au mieux-être émotionnel de la personne.

C'est en travaillant avec le Dr Éric Dewailly, spécialiste des Inuits du Nunavik, que le Dr Lucas s'intéresse aux effets des oméga-3 sur la santé. Il explique que c'est chez les esquimaux du Groenland que tout a commencé. Les premières constatations chez ce peuple datent en effet des années 40, notamment avec les travaux du Dr Sinclair en 1944. On a découvert que ces peuples avaient, en dépit d'une alimentation très grasse et d'un mode de vie relativement dangereux, un taux de mortalité cardiovasculaire de 3,5 % comparativement à 35 à 40 % pour le reste de la population, soit dix fois inférieur.

Quant au lien entre les oméga-3 et l'humeur, c'est tout récemment, en 1998, que quelques spécialistes, dont les Drs Lespérance et Lucas, se sont penchés là-dessus. C'est là encore en étudiant des populations consommatrices de poissons, notamment les Norvégiens, que ces effets ont été observés puis soumis à des études cliniques, notamment auprès de personnes déjà dépressives et sous médication. On a ainsi pu vérifier si l'ajout d'oméga-3 en plus des antidépresseurs améliore leur situation, ce qui s'est avéré le cas dans trois des cinq groupes d'étude.

Psychiatre et praticien en médecine conventionnelle, le Dr Lespérance porte une attention toute particulière aux habitudes de vie (exercice, alimentation, sommeil et gestion du stress) lorsqu'il analyse les facteurs en cas de dépression. À l'occasion, il suggère aussi des oméga-3 comme nouvelle piste pour pallier la médication, car il estime à plus ou moins 30 % la part de sa clientèle qui dit craindre ou qui refuse carrément les antidépresseurs. « Il faut augmenter les alternatives thérapeutiques et donner des traitements qui plaisent aux gens, pour autant qu'ils soient soumis aux mêmes preuves scientifiques... » résume-t-il.

 

L'équilibre

Après avoir vu les deux côtés de la médaille, si on peut dire, tant la voie alternative des médecines douces que celle de la médecine conventionnelle, même pratiquée avec une ouverture d'esprit, restait à trouver l'équilibre entre les deux... Et cet équilibre, nous l'avons trouvé à la Maison de la Santé, sise dans le quartier Saint-Roch, au cœur de la ville de Québec. Dans ce centre de santé unique en son genre cohabitent harmonieusement les membres d'une équipe multidisciplinaire, selon l'expression de Mme Roy. On y trouve donc des médecins, des naturopathes, des massothérapeutes, des psychologues, des acupuncteurs, des chiropraticiens, des kinésiologues, en tout treize professionnels de la santé.

Cet endroit qui a vu le jour en avril 2003 est en voie de devenir une référence pour les médias pour tout ce qui touche le délicat dossier des médecines douces et de leur émergence. Nous avons donc contacté Mme Nancy Roy pour en savoir plus sur cette multiclinique unique dans l'est du Canada. « Le fondement de base de la Maison de la Santé, c'était d'avoir un lieu où le mieux-être des patients constitue notre priorité tout en respectant leurs convictions profondes. Et la différence majeure avec la médecine conventionnelle ? Ici on prend le temps de prendre soin ! » résume-t-elle.

C'est la mission que se sont donnée les cofondateurs, le Dr Paul Lépine, Mme Danielle Reulens et elle-même, deux naturopathes. « Nous ne sommes ni contre la médecine conventionnelle ni contre les médicaments ni contre l'alternatif. Tout ce que nous voulons, c'est le mieux-être du patient, donc le meilleur des deux mondes, en fait. D'ailleurs, huit fois sur dix, c'est un mélange des deux médecines qui sera envisagé, dans le meilleur intérêt du patient. Une étude récente, soumise en formation continue, soutient que 70 % de la population a déjà consommé des produits naturels, donc c'est plus qu'une mode, ça fait partie des habitudes de vie des gens. Il faut en tenir compte. »

Évidemment, c'est le patient qui choisit sa voie d'entrée à la clinique, mais dès lors, le « dossier » devient commun aux treize spécialistes. Ils se réunissent en outre deux fois par mois pour faire un immense brain storm sur chacun des cas, et c'est ce partage de clientèle qui constitue la spécificité de la Maison de la Santé. La clientèle cible de cet OSBL est constituée de personnes de 30 à 45 ans issues du milieu des hautes technologies du centre-ville de Québec, donc des gens instruits et ouverts qui veulent prendre soin de leur santé. La Maison de la Santé travaille aussi en étroite collaboration avec tous les organismes communautaires de Québec, qui sont majoritairement installés dans ce quartier.

Outre la clinique, la Maison de la Santé comporte aussi un centre de cours pour le public – offrant entre autres des cours de yoga, de taï chi et de croissance personnelle – ainsi que l'annexe Ville de Québec de l'École d'enseignement supérieur de naturopathie du Québec (la maison mère se trouve à Montréal) pour parfaire la formation continue de ses professionnels. La Maison de la Santé est aussi partenaire de la Chaire Lucie et André Chagnon sur les MACS, afin d'offrir aux étudiants en médecine de l'Université Laval un milieu de stage privilégié.

Sébastien Lévesque

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