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Tracer sa ligne de vie au creux du temps qui passe
4 Avril 2007

Prendre conscience que l'on vieillit, en accepter le processus, c'est se laisser porter par le temps, c'est s'embarquer pour un voyage qui ne s'arrête pas à l'orée de la retraite. Entretien avec Hubert de Ravinel, grand voyageur (et découvreur) devant l'Éternel !

 

Par Pierre Tardif

 

 

Le vieillissement réhabilité

 

Disons d'entrée de jeu qu'Hubert de Ravinel, ce gérontologue passionné et passionnant, n'aime guère le terme « personne âgée », car le mot « âgé », comme le sceau marqué au bas d'un contrat ou un tatouage indélébile sur la peau, semble être ici utilisé pour mettre officiellement dans une catégorie à part les « personnes » ainsi marquées par l'âge. Et pourtant, insiste-t-il, tout le monde finit par devenir vieux ! Ainsi, au-delà de l'âge, c'est avant tout sur le mot « personne » qu'il faut insister, car chaque personne est unique !

 

Voilà l'une des leçons de ses vingt ans passés chez les petits frères des Pauvres, d'abord en France, puis aux États-unis et enfin au Québec, qui ont été l'occasion pour lui de trouver sa bonne étoile dans l'univers des aînés. Ils furent l'objet de ses attentions inlassables et de ses écrits scientifiques; il les a même dépeints au cinéma, à la radio, à la télévision... Tout un cheminement qui débute avec le jeune Français qui cherchait sa place dans le monde, jusqu'à cet homme aguerri, maintenant à la retraite, qui a trouvé le temps, entre mille et un projets, de nous accueillir chez lui*.

 

Observateur sagace, Hubert de Ravinel a déploré, durant les années 60, l'absence de politiques sociales et l'abandon concomitant des aînés laissés pratiquement à eux-mêmes. Il les a vu se regrouper et parler plus fort à partir des années 70. Et il s'intéresse maintenant à la nuée des baby boomers appelés à prendre à leur tour le titre d'aîné et à le façonner sans doute à leur image. Mais il a toujours déploré le manque de formation de certains intervenants qui œuvrent auprès des aînés.

 

 

S'ouvrir à l'aîné

 

Voilà pourquoi il quitta un jour les petits frères des Pauvres pour entamer ce qu'il appelle la deuxième partie de sa carrière : « M'étant jusque-là consacré, sur le terrain, aux personnes très âgées, explique-t-il, j'allais désormais m'adresser à des gens plus jeunes pour faire de la prévention. » C'est ce qu'il fit jusqu'à sa retraite, en 2001 : dix-huit années d'écriture et d'enseignement.

 

Or « on est toujours à la fois le vieux et le jeune de quelqu'un, dit Hubert de Ravinel, une lueur dans les yeux. À 20 ans, on se trouve très vieux lorsque l'on songe à nos 15 ans ! » Pour l'étudiant en gérontologie qui prend conscience de ce sentiment généralisé, parfois angoissant, du temps qui passe, il s'agit déjà d'un premier pas vers l'aîné.

 

Bien sûr, on ne s'adresse pas pour autant à un aîné de la même façon qu'à un jeune. L'une des méthodes employées par Hubert de Ravinel pour sensibiliser ses étudiants à cette réalité fut de créer, lors de stages en milieu de travail, des équipes composées d'individus provenant de groupes d'âges différents. Par exemple, une femme dans la trentaine, mère de famille, fut jumelée à une jeune fille de 18 ans : si la première avait un certain « vécu », de la seconde émanaient un charme et une spontanéité juvéniles. Les aînés, attendris, pouvaient bien voir en elle comme la réplique de leur petite-fille, mais ils acceptent mal, de façon générale, certaines attitudes (comme le tutoiement) qui trahissent l'inexpérience… Dans ce cas, l'étudiante plus âgée a servi d'exemple à la plus jeune.

 

 

La leçon des aînés

 

Hubert de Ravinel se rappelle de l'évolution des étudiants, durant leur scolarité, vers une meilleure compréhension de l'univers des aînés ainsi qu'une connaissance accrue d'eux-mêmes. Dès lors « nous dépassons les apparences, qui sont parfois trompeuses. Les gens qui sont a priori désagréables se révèlent souvent tout autres et le contraire est aussi vrai. Il ne faut jamais se fier à la première impression. C'est alors que la relation avec les aînés s'intensifie, que des échanges "vrais" s'instaurent », dit Hubert de Ravinel.

 

Et les efforts pour percer le mur élevé au nom de préjugés du genre « jeunes drogués immoraux » et « vieux grognons radoteux » sont récompensés; Hubert de Ravinel lui-même avoue avoir été transformé au contact des aînés. Car vieillir apporte généralement la faculté merveilleuse de voir la vie comme un continuum, alors que les jeunes, perdus dans le tournoiement de l'information rapide et parfois contradictoire, ont parfois de la difficulté à prendre du recul devant les événements. Devant l'adversité, par exemple, l'aîné est le témoignage vivant que le dicton « après la pluie vient le beau temps » n'est pas insignifiant; il l'a constaté maintes fois durant toutes ces années… Message d'espoir pour la jeunesse !

 

 

Continuer à apprendre

 

Avec l'âge viendra donc la conscience que les années accumulées n'apportent pas que de l'ignorance, que certaines valeurs dites universelles se sont révélées une à une… grâce à une longue pratique de la vie. Donc tout n'est pas perdu ! Mais l'aîné n'a pas pour autant sillonné toutes les routes, grimpé toutes les montagnes, lu tous les livres. Si la santé le lui permet, il continuera l'exploration de lui-même, du monde et de lui-même dans le monde.

 

On comprendra donc que cette définition du mot « retraite » : (retrait de la vie active, Petit Larousse), fait grincer Hubert de Ravinel. Pour lui il faut plutôt parler du « retrait de ce qu'il y a de plus contraignant dans la vie active ». Car le vieillissement n'estompe pas ce désir, souvent dévorant, d'apprendre et de grandir. D'où cette remarque du grand humaniste, empreinte d'un humour qui ne fait pas que sourire : « Je ne comprends pas pourquoi on dit qu'un vin, un fromage ou un meuble vieillit en beauté et pas un être humain… » Que dire de plus ? Levons-nous simplement aussi haut que nous le pouvons et continuons de grandir.

 

* On peut se faire une idée de la riche carrière d'Hubert de Ravinel à l'adresse suivante : www.litterature.org/detailauteur.asp?numero=583.

 

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