Un expert nous dit que « pour que le vieillissement démographique soit une consécration et non une plaie sociale, il importe de préserver la santé, l'autonomie physique et psychologique, la vitalité économique et l'engagement social » (1). Il s'agit de Richard Lefrançois, professeur à l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.

Ce chercheur nous rappelle qu'il faut distinguer entre ce que l'on pourrait appeler  les « jeunes vieux » et les « vieux vieux ». Les « jeunes vieux » d'aujourd'hui, recrutés en partie parmi les baby boomer, forment bien entendu un groupe très dynamique, étant plus scolarisés, plus soucieux de leur santé, ce qui les distinguent des générations antérieures.

Mais alors, qu'advient-il présentement des « vieux vieux »?   On pourrait rappeler les multiples faits qui ressortent dans les journaux, dont certains sont bien sûr accablants: une dame, par exemple, décède dans un CHSLD non seulement entourée des siens mais aussi de ses collègues de chambres et leurs proches, puisqu'il y a quatre résidents par chambre, et qu'aucun lieu n'est prévu pour les derniers moments d'une personne. Sa voisine de chambre est pour sa part "prise au piège", dans un coin exigu, n'ayant qu'une chaise pour s'asseoir à côté de son lit (2). On peut aussi évoquer les bains donnés une fois par semaine, une alimentation parfois déficiente, voire même des vols ou autres événements néfastes  (3)…

Si l'on parle des capacités des personnes âgées à enrichir la société,  force est de constater que l'essentiel est alors de préserver leurs capacités. Or on peut présumer que ces « jeunes vieux » si actifs accepteront difficilement, le temps venu,  la situation actuelle des « vieux vieux » qui vivent parfois en hébergement dans des conditions déplorables, certains d'entre eux ne pouvant même pas mourir décemment (4).

Ainsi, il nous semble que penser au sort de nos « vieux vieux » d'aujourd'hui, c'est, en plus de leur offrir une dignité grandement méritée, préparer notre société à accueillir tous ces baby boomer au moment où ils deviendront des « vieux vieux » à leur tour. Et lorsque l'on essaie de déterminer la part d'investissement à consacrer aux personnes âgées par rapport aux jeunes, ces derniers étant considérés dans ces calculs comme étant l'avenir, cette vision nous semble masquer le fait que l'avenir de la société ne réside pas seulement entre les mains des jeunes; il est le fait de tous les membres de la société, aînés inclus. Voilà  investir dans nos personnes âgées c'est également investir dans notre avenir.

Après tout, avec le vieillissement de la population, nos personnes âgées ne deviendront-elles pas avec le temps l'une de nos principales matières premières?

Pierre Tardif                                                                                                              

RÉFÉRENCES

(1) cité par HARTING, Claire, « De la revanche des berceaux à la revanche des berceuses? », Le Journal de Montréal, 19 juin 2005, p. 35.

(2) LEMAY, Éric Yvan, « Mourir devant tout le monde », Le journal de Montréal, 22 juin 2005, pp. 4-5 (deux articles parus sous ce titre).

(3) LEMAY, Éric Yvan, « Des conditions inhumaines », Le journal de Montréal, 18 juin 2005, pp. 4-5 (deux articles parus sous ce titre).(4) GAGNÉ Louis-Mathieu, « Mourir sans intimité « parfaitement inadmissible » », Le journal de Montréal, 23 juin 2005, p. 12.

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