Guy Nadon est ce musicien un peu particulier qui a tendance à « drummer » avec tout ce qui lui tombe sous la main : c'est ainsi que les crayons, les cuillères ou autres ustensiles agrippés par ses mains agiles vont immanquablement giguer sur les tasses, verres, assiettes et casseroles qu'ils rencontrent sur leurs chemins. Littéralement, Guy Nadon joue de la batterie, une batterie « maison », constituée, improvisée avec les moyens du bord; il a le don de composer son instrument et sa musique d'un même souffle, comme des jumeaux! Un article récent de La Presse nous le montre toujours en forme et rempli de projets (1).

Car si Nadon adore jouer sans compromis avec tous les objets capables d'émettre un son, ses moyens techniques dépassent en revanche, et de loin, le simple bricolage. À le voir agir ainsi comme un enfant enjoué qui s'adonne à son jeu préféré, on oublie parfois que le monsieur  a fait ses preuves comme musicien il y a belle lurette, si bien que sa personne s'est entourée au fil des ans d'une aura de légende. Par exemple, il a fait l'objet d'un documentaire intitulé Le roi du drum, où  ses proches, (notamment des collègues musiciens) nous rappellent qu'il fut l'un des plus grands batteurs du monde…

Aujourd'hui, Guy Nadon a 71 ans « et demi » (il insiste sur ce détail dans l'article que nous avons cité) et ne semble pas vouloir lâcher ses baguettes. Il remplit toujours nerveusement des feuilles lignées de musique, comme il remplit les lieux où il joue, se produit régulièrement au Festival de jazz de Montréal, lequel ne représente cependant qu'un arrêt sur sa feuille de route bien remplie qui s'étend à tout le Canada. Il enseigne aussi son art aux générations qui le suivent.

Le secret de sa vitalité? Selon cet article, on peut déduire que l'homme a pu marier harmonieusement deux traits de caractère opposés : il y a d'une part cette passion sans borne pour son art, s'abandonnant avec délectation à un besoin, une « drogue » qu'il ne peut visiblement pas réfréner,  libérant l'enfant en lui, cet enfant qui ne l'a visiblement jamais quitté.

Mais, à l'opposé, il y a aussi chez Guy Nadon cette profonde conscience du temps qui passe. Pour rester cet éternel enfant, Guy Nadon s'est donc forgé une discipline « d'adulte » : l'article qui nous inspire ces lignes le décrit comme étant d'une sobriété exemplaire, comme s'il se ménageait pour mieux vivre des moments de pure magie, accroché à sa batterie (ou à ses casseroles) comme un cow-boy agile sur un cheval sauvage qu'il s'acharne à dompter à chaque prestation, quelle soit publique (en spectacle) ou « privée » (à la maison, chez des amis ou dans un restaurant, au moyen d'une batterie « improvisée »). Il dit : « Il ne faut pas se laisser aller. Moi je marche tous les jours, je compose et je travaille sur des projets. Je prends un bière par mois je ne fume pas. J'ai déjà bu, mais jamais de saoulage… », a-t-il déclaré au journaliste.

Ainsi, harmonisant les extrêmes, s'appuyant tour à tour sur les ressources de l'homme mûri par l'expérience (c'est à dire le rationnel)  et de l'enfant enthousiaste et espiègle (c'est à dire l'artiste libre), Guy Nadon évite un juste milieu un peu fade et gris pour se donner le meilleur de deux mondes. Comme quoi il est possible d'avoir du plaisir à tous âges; pour ce faire, il faut simplement avoir une passion et se donner les moyens de la vivre »

                                                                                                               Pierre Tardif

(1) KING, Ronald, « Faut pas se laisser aller », La Presse, 11 juillet 2005, p. S8.

Pierre Tardif

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