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La cohabitation des secteurs privés et public: un mariage d'amour ou de raison ?
3 Juillet 2005

On parle beaucoup, de cette décision de la cour suprême qui permet de recourir à l'assurance privée pour les soins de santé. Bien sûr, tous les propos s'entrechoquent, et Michel C. Auger dira d'ailleurs que « (…) on a rarement vu une Cour suprême aussi profondément divisée, les juges majoritaires et minoritaires s'invectivant presque dans leurs opinions respectives » (1). Est-ce le reflet de la société elle-même, qui se cherche? Voici en tout cas le point de vue de quelques personnes qui se sont exprimées dans les journaux.

 

De façon générale, comme on va le voir, l'on pense que la décision de la Cour suprême va occasionner soit des inégalités, soit au contraire un plus grand accès des soins de santé.

 

 

 Y'A-T-IL DES IDÉES PRÉCONÇUES ENTOURANT LE SYSTÈME PRIVÉ, ET QUI EMPÊCHENT LE DÉBAT D'ÉVOLUER?

 

  • Le recours au secteur privé comme évaluateur d'une société

Pour le ministre Couillard, il y a cette tendance à « (…) établir un lien entre la participation du privé au système de santé et le degré de progressisme d'une société », comme si ces pays étaient moins progressistes, comme si le secteur privé était en soi mauvais, agissant négativement sur le degré de développement social d'un pays (8).

 

  • Le recours au secteur privé nous mène-t-il obligatoirement vers le système américain?

On associe généralement le secteur privé à l'inégalité sociale, d'où la  remarque de  Michel C. Auger qui écrit que « Ce que la Cour suprême fait, c'est de lancer un débat public sur d'autres bases que celles qu'on a toujours entendues jusqu'ici. Normalement, il suffisait de mentionner le mot « privé » pour qu'on sorte automatiquement le spectre d'un système à l'américaine » (1).

 

Pour certains, cette conception « fataliste de l'usage du secteur privé» est bien du dogmatisme,  comme pour cette médecin de l'hôpital Saint-Luc pour qui : « Ce jugement est une victoire pour ceux qui veulent sortir du dogmatisme entourant la loi canadienne sur la santé et discuter de façon lucide de l'avenir de notre système de soins » (3).

 

Mais il y a également d'autres spectres liés au secteur privé, comme nous allons le voir à l'instant.

 

 

 LES CONSÉQUENCES POUR LES CITOYENS

 

  • Un facteur d'inégalité en matière d'accès à la santé?

Certains considèrent que ce système aura comme conséquence de mettre de côté les personnes les plus pauvres en favorisant les mieux nantis, tous les bénéficiaires n'ayant pas la même chance.

 

  • La peur d'un système à deux vitesses nous fait-elle oublier certaines faiblesses du système actuel?

L'une des auteurs souligne en effet que nous avons déjà, présentement, un  système à cinq vitesses, soit : « le système public; l'assurance privée pour des tests, rendant le suivi médical plus rapide; le favoritisme des gens qui connaissent quelqu'un dans le réseau; le recours aux cliniques privées désaffiliées; les soins aux Etats-Unis.» Par ailleurs, cette même auteure souligne qu'il est possible de souscrire à une assurance sans nécessairement être très riche(3).

 

  • Le recours au secteur privé exige que l'on définisse son rôle et ses limites

Finalement, toujours selon cette auteure (3), il semble que la crainte de devenir comme les Etats-Unis ne soit pas fondée, le privé étant une alternative qui ne devrait pas abolir le secteur public.

 

 

LES CONSÉQUENCES POUR LES SPÉCIALISTES DE LA PROFESSIONS MÉDICALES 

 

  • Rien de nouveau sous le soleil…

Cette intrusion du privé est cependant bien présente. L'un des auteurs parle d'une « industrie parallèle de plusieurs centaines de millions de dollars» pour parler du secteur privé, car, « la réalité des listes d'attente a entraîné au Québec la création d'un solide réseau privé de services médicaux » (6).   Les ressources, de l'avis de plusieurs, sont donc en place et disponibles…

 

  • La nécessité d'un certain contrôle

Un médecin souligne en effet que « le gouvernement doit aussi assortir cette reconnaissance d'un système privé à une réglementation rigoureuse visant à assurer le maintien intégral des services actuellement offerts dans le système public » (6).  Une médecin souligne pour sa part de la nécessité de repenser le système de quotas (de rationnement) afin de maintenir les médecins dans le système de santé, car « (…) le gouvernement devra s'assurer que les médecins assument  un certain nombre d'actes médicaux dans le système public » (3).

 

Ce faisant, note-t-on, « le système privé, en ajoutant de nouvelles ressources, permettra de maximiser un potentiel largement utilisé » (6).

 

 

 LES CONSÉQUENCES AU NIVEAU DE LA SOCIÉTÉ 

 

  • Il y en a pour qui cette décision va augmenter la distance entre les pauvres et les riches

Paul Brunet, du Conseil de protection des malades, a confié à un journaliste du journal de Montréal : « Ce que je crains, c'est que des gens qui ont une assurance privée veulent se retirer du financement de l'assurance-maladie. Les plus riches vont guérir plus vite et on va laisser payer les plus pauvres pour le système public »(4). 

 

  • Tandis que, pour d'autres, il y a présentement surconsommation des services de santé  

L'un des auteurs souligne en effet que « l'accès au médecin, même pour un problème mineur, demeure gratuit et illimité, ce qui contribue à médicaliser un grand nombre de problèmes de santé (6)»,

 

Or, pour des cas qui ne sont pas « graves » comme la consultation médicale, il pourrait y avoir copaiement (une partie par l'État l'autre par l'individu) comme en France, ce qui « (…) aurait le double avantage de freiner la consommation tout en permettant à l'État de récupérer plusieurs centaines de millions qu'il pourrait alors consacrer à la prévention, au maintien à domicile et aux autres priorités » (6). Bien entendu, ce copaiement exclurait les personnes les plus pauvres, ces derniers continuant d'être protégés par le secteur public.

 

  • Se comparer avec d'autres pays pour comprendre notre évolution sociale.

Car il n'y a pas que les États-Unis; Michel C. Augé a écrit à ce sujet qu' « Entre l'assurance maladie du Canada et la situation américaine, il y a la situation de douzaine d'autres pays, de l'Europe à l'Australie, où l'on a un régime public complémenté à diverses mesures par un système privé » (1). Le ministre Couillard, pour sa part, avait noté que la Scandinavie a réussi l'harmonisation entre les secteurs privés et publics (8).

 

 

DANS L'OPTIQUE DE L'AMÉLIORATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ LA COEXISTENCE DES SECTEURS PRIVÉS ET PUBLICS EST-ELLE INÉVITABLE ?

 

  • Cette coexistence n'est pas une réussite assurée dans tous les cas

Certains pays semblent en effet avoir moins bien réussi leur « virage privé » que d'autres. Si la Scandinavie semble faire l'unanimité en tant que modèle à imiter, il y en a d'autres qui ont plus de misère, comme en Irlande, où, semble-t-il, le recours au système public n'a pas enrayé le problème des listes d'attente. Tandis que d'autres pays, au contraire, ont pu le faire en ayant recours, non pas au secteur privé, mais plutôt « à une combinaison de mesures, à savoir la fixation d'objectifs concernant les délais d'attente maximaux, l'augmentation des activités et la mise en place de nouvelles incitations », ce qui nous amène à conclure avec le journaliste que « la cohabitation d'une régime d'assurance privé n'est pas nécessairement une panacée » (7).

 

  • Une proposition pour une remise en santé de notre système actuel

On peut en outre s'appuyer sur une étude de l'OCDE en date de 2003,  qui souligne que « L'ajout de médecins dans les pays où il existe des délais d'attente est la solution qui a l'impact le plus direct »(7).

 

Par ailleurs, Michel Clair prône pour sa part trois stratégies afin de donner une impulsion au système de santé « Pour bloquer le chemin de l'assurance privée en santé, écrit-il, il faut implanter des délais d'attente maximaux exécutoires, donner plus de choix quant à la livraison  des services à ceux qui aimeraient se sentir plus clients qu'usagers et dégager nos hôpitaux en offrant réellement aux personnes en perte d'autonomie les services qu'elles requièrent (2)»

 

Ces remarques pourraient sans doute donner la part belle à ceux et celles qui, comme Henri Massé, président de la FTQ, considèrent que la décision de la Cour suprême aura pour conséquence de détruire notre système de santé.

 

 

VOICI DONC QUELQUES POINTS DE VUE PARMI D'AUTRES. NOUS ATTENDONS LE VÔTRE POUR ALIMENTER LE DÉBAT, ÉTANT BIEN CONSCIENTS QUE TOUT N'EST PAS DIT SUR CE SUJET.

 

Pierre Tardif

 

RÉFÉRENCES

 

1 AUGER, Michel C., « Lancer le débat sur d'autres bases », Le journal de Montréal, 10 juin 2005, p. 4.

 

2  CLAIR, Michel, « Il faut se ressaisir. Le jugement de la Cour suprême doit donner une nouvelle impulsion à notre système de santé », La Presse, 11 juin 2005, p. A24.

 

3. HAVRANKOVA, Jana, « Qui a peur du « privé» en santé? Le jugement de la Cour suprême est une victoire pour ceux qui veulent sortir du dogmatisme », La Presse, 14 juin 2005, p. A23.

 

4. LEMAY, Éric Yvan, « La Cour suprême brise le monopole de l'assurance santé au Québec », Le Journal de Montréal, 10 juin 2005, p. 5.

 

5. LEMAY, Éric Yvan, « Pour certains médecins, c'est une manne inespérée », Le Journal de Montréal, 10 juin 2005, p. 5.

 

6. MORGAN, Stephan, « Un tournant majeur. La complémentarité du privé est la planche de salut du système de santé canadien », La Presse, 10 juin 2005, p. A 22.

 

7. PELOQUIN, Tristan, « Selon des rapports de l'OCDE. Le recours au privé réduit les listes d'attente», La Presse, 11 juin 2005, p. A5.

 

8. « Le ministre Couillard prône l'exemple scandinave pour le privé en santé », Le Journal de Montréal, 11 juin 2005, p. 23.

 

 

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