FAUTEUIL ROULANT ET RAMPE GLACÉE: UN MARIAGE IMPOSSIBLE?

I l a été quelquefois question dans ce bulletin de l’intérêt qu’il y aurait à effectuer plus de recherches scientifiques sur le milieu des RPA. Bien sûr, on peut parler des recherches en gérontologie, par exemple, qui traitent du vieillissement, mais une RPA se voulant un milieu de vie, il semble évident que l’on pourrait y trouver, en ses murs, certains sujets de recherche qui mériteraient d’être développés et approfondis dans le cadre de travaux sérieux, pour le plus grand bien (peut-on espérer) non seulement des résidents, mais aussi des gestionnaires!

Prenons l’exemple des rampes glacées en hiver. On peut très bien rappeler avec fierté que notre RPA est « à proximité de tous les services » mais qu’est-ce que cela veut dire pour une personne qui doit se déplacer en fauteuil roulant… en hiver? Or cette problématique a intéressé la SCHL dans une étude selon laquelle

Compte tenu de la durée de l’hiver canadien, il est surprenant de constater le peu de documentation qui existe sur les activités non sportives. En conséquence, les directives et les normes des bâtiments sont principalement fondées sur des études en terrain sec (p.1)

Évidemment, on pourrait supposer, non sans raison, que le peu de recherche en ce sens provient du fait que l’on pense souvent (peut-être à tort) que les personnes âgées (ou handicapées) pratiquent moins d’activités sportives hivernales (sauf exceptions) que les personnes jeunes et bien portantes! Heureusement, il semble que la problématique du vieillissement intéresse de plus en plus de gens. Et, de fait, cette étude de la SCHL fait remarquer que

(…) de nombreuses personnes handicapées ou âgées préfèrent rester chez elles en hiver plutôt que de s’aventurer à l’extérieur en fauteuil roulant lorsque les précipitations créent des conditions potentiellement dangereuses. Elles risquent alors de souffrir d’isolement social et de problèmes psychosociaux connexes (p.1)

Si vous jetez un coup d’œil à cette étude (le lien est à la fin de ce texte), vous noterez que rien n’a été ménagé pour simuler une véritable rampe d’accès dans divers contextes hivernaux. Par ailleurs, la rampe elle-même était modifiée en fonction de l’angle désiré.

Quant aux participants, leurs « performances » ont été méticuleusement mesurées. Et les conclusions nous permettent de nous mettre un peu dans la peau de ceux et celles qui doivent se déplacer en chaise roulante à l’extérieur… en hiver!

Ce qui est frappant, c’est la complexité de cette opération qui consiste à gravir en chaise roulante manuelle une rampe enneigée ( que la neige soit molle ou dure) ou sur une surface glacée. Les chercheurs en viennent même à conclure que

Les résultats de l’étude confirment que les déplacements autonomes, effectués à l’aide des seules techniques de propulsion courantes, ne sont peut-être pas possibles dans toutes les conditions et à toutes les pentes actuellement acceptées dans les codes du bâtiment (p.3)

D’où un grand nombre de problèmes non résolus de l’aveu même des chercheurs, qui suggèrent des recherches plus approfondies notamment en ce qui a trait à l’utilisation de sable, aux techniques utilisées par les personnes pour monter la rampe (en fonction de leurs capacités physiques), à l’angle des pentes voire même en ce qui a trait aux roues avant des chaises roulantes, qui devraient être revues et corrigées…

Tout un programme, dont les résultats devraient éventuellement être pris en considération par les constructeurs et les propriétaires de résidences d’aînés…

REFERENCES

(1) SCHL, Effet de la neige et de la glace sur l’utilisation des rampes extérieures par les personnes en fauteuil roulant, Série socio-économique 10-008, Juillet 2010
http://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/pdf/67032.pdf?fr=1316695734843 velliste/sante/201108/19/01-4427141-des-petitions-ce-nest-pas-une-facon-de-faire.php

 
LES DÉCÈS DANS LES RPA… ET LE CORONER
Pierre Tardif

E

ncore une fois, l’actualité dans le monde des RPA nous permet d'aborder certains principes de gestion. Sachant que les gestionnaires de RPA désirent garder le plus longtemps possible leurs résidents, se pose alors un problème qui se révèle depuis un certain temps au grand jour : advenant le décès d’un résident dans une RPA, qu’est-ce qui distingue une cause naturelle d’une cause douteuse, c’est-à-dire un décès qui impliquerait, par exemple, de la négligence de la part du personnel ? Si, dans certains cas, les causes sont très claires, d’autres cas, en revanche, semblent nécessiter un examen plus approfondi...

Imaginons donc qu’il y ait un décès dans une RPA et voyons les questions que ce décès peut soulever parmi les multiples intervenants…

Y’a-t-il un âgisme sous-jacent?
Dans un article datant de 2009, Louis Plamondon avait posé la question suivante :

Comment interpréter le fait que, tel que prévu par la Loi des coroners, les personnes décédées dans des centres de réadaptation pour les déficients intellectuels (CRDI), des centres jeunesse, des garderies, des prisons et des lieux de garde… sont obligatoirement signalés au coroner et que les aînés souvent vulnérables qui décèdent dans les établissements et dans les résidences ne font pas, ceux-là, obligatoirement l’objet d’un signalement au coroner qui décide ou non d’enquêter sur les circonstances du décès signalé (1) (p.53)

La raison, selon cet auteur, serait l’exclusion des personnes âgées du fait de l’âgisme dont elles sont les victimes...

Le point de vue des médecins
Récemment, le débat a révélé toute son ampleur. Des médecins on été accusés de ne pas avoir dévoilé certains décès d’aînés dans des RPA. Le journaliste s’exprimait ainsi :

Le fait que des médecins et des centres hospitaliers omettent d’informer le bureau du coroner de certains décès laisse croire qu’un grand nombre de décès pour négligence, mauvais traitements ou une surveillance inadéquate des personnes âgées ne sont pas déclarés (2)

L’intérêt est ici de voir la réponse des médecins eux-mêmes. Il semble qu’ils ne soient pas suffisamment informés de la Loi du coroner (2). Un médecin a aussi parlé d’une « zone grise par rapport aux constatations de décès» c’est-à-dire que certains cas devraient être rapportés mais ne le sont pas, car « souvent on prenait pour acquis qu’elles [les personnes âgées] étaient en fin de vie ». Comment donc distinguer un décès naturel d’un décès douteux, c’est-à-dire situé justement dans cette "zone grise" ? Un médecin avoue d’ailleurs que le décès d’un de ses patients est plus facile à évaluer que celui d’une personne qu’il ne connaît pas (3). On pourrait noter à ce sujet qu’un grand nombre de gestionnaires de RPA déplorent la difficulté d’attirer des médecins dans leurs RPA afin de suivre leurs résidents…

La déclaration obligatoire de tous les décès ?
Le problème serait-il donc de définir clairement les critères qui obligent un médecin à déclarer un décès ? Il a été question de considérer la négligence comme étant matière à déclaration au coroner, ce qui semble difficile à appliquer selon Louis Plamondon, « les négligents n’ayant pas une forte propension à s‘auto-incriminer» (4). Quant à la déclaration systématique de tous les décès, les médecins soutiennent que ce serait trop lourd et proposent de se fier aussi au jugement clinique. Il semble que des raisons administratives rendent difficile cette application (3).

Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un sujet facile à traiter. Mais comment nier que, dans ce dossier, les gestionnaires de RPA sont interpellés? Encore une fois, leurs points de vue pourraient contribuer à enrichir la réflexion.

REFERENCES

(1) Louis Plamondon, L’âgisme peut-il être meurtrier ?
http://www.rifvel.org/_quebec/agiste_meutrier.pdf

((2) Pierre Pelchat, Décès dans les résidences d’aînés : des médecins enfreignent la loi,
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201109/07/01-4432409-deces-dans-les-residences-pour-aines-des-medecins-enfreignent-la-loi.php

(3) Pierre Pelchat, Décès dans les résidences d’aînés : les médecins contrat la déclaration obligatoire
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201109/13/01-4447355-deces-dans-les-residences-dhttp:/

(4) Pierre Pelchat, Résidences pour aînés : le gouvernement Charest critiqué sur la sécurité
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201109/07/01-4432207-residences-pour-aines-le-gouvernement-charest-critique-sur-la-securite.php


QUAND RPA RIME AVEC ÉTABLISSEMENT ALIMENTAIRE
Pierre Tardif

L

’évolution de la certification nous permet de voir et de suivre l’évolution des exigences en matières de RPA, lesquelles, à leur tour, peuvent éventuellement amener au développement de certaines tâches, fonctions voire même métiers dans le milieu des RPA. Pour suivre cette évolution, il suffit parfois d’un simple survol chronologique.

Prenez par exemple le cas de la salubrité dans la cuisine d’une RPA.

Selon le « Manuel d’application » utilisé comme référence pour la certification des RPA(1),

L’exploitant doit s’assurer que l’exercice de l’activité de détaillant ou de restaurateur ou (sic) la fourniture de services moyennant rémunération dans sa résidence ne met pas en danger la santé ou la sécurité des résidents en ne respectant pas la loi sur les produits alimentaires (LRQ., c. P-29) ou un règlement pris en vertu de celui-ci (1) (p.31, Art.24, par.1, 70).

Voilà pourquoi, en vertu de cette loi, comme vous le savez très bien, vous devez détenir un permis de la MAPAQ pour pouvoir opérer votre RPA puisque cette dernière est considérée comme un établissement alimentaire.

Rappelons que le Manuel d’application que vous avez suivi lors de la certification a été publié en 2007 et que c’est toujours cette version qui est utilisée par les évaluateurs du Conseil québécois d’agrément, comme on nous l’a d’ailleurs confirmé en appelant à cet organisme. Mais voilà que le 21 novembre 2008, un nouveau règlement est entré en vigueur, rendant obligatoire la formation en hygiène et salubrité alimentaire, toujours sous la férule de la MAPAQ, qui, de fait

(…) est chargé d’appliquer plusieurs lois et règlements, dont la loi sur les produits alimentaires (LRQ, chap. P-29) et les règlements qui en découlent. Ces derniers prévalent sur le présent guide (2) (p. 3)

Vous connaissez bien sûr les implications de ce règlement (2) mais résumons-les en gros :

  • Une personne doit suivre une formation de « gestionnaire d’établissement alimentaire »
  • Cette personne, ou une autre personne ayant suivi la formation de « manipulateur d’aliments » doit être présente sur les lieux en tout temps à moins que au moins 10% du personnel travaillant avec des aliments aient suivi l’une ou l’autre des deux formations.

Maintenant, faisons quelques projections en observant ce qui lentement se développe dans le secteur public. Dans un article de la revue Synergie, on annonce dès les premières lignes que

« Si le travail des préposés à l’entretien a été négligé par le passé, il est désormais nécessaires de redorer leur blason. Le métier de concierge, qui correspond aux besoins de l’époque, est révolu. Place au salubriste! » (4).

Évidemment, en citant ce passage, il ne s’agit pas de remettre en question le travail de concierge, mais bien de noter que la lutte contre les bactéries multi résistantes fait désormais l’objet d’une formation collégiale! Si vous lisez cet article, vous noterez que les diplômés sont détenteurs d’une « (…) véritable culture de sécurité et salubrité » qu’ils partagent d’ailleurs avec les autres employés comme les infirmières et les médecins (4) (p. 15)

Ce qui est intéressant dans tout cela, c’est de voir que depuis 2007, les exigences imposées aux gestionnaires de RPA pour la certification semblent se préciser de plus en plus, au gré des Lois et des règlements. On sait d’ors et déjà que le projet de loi 56 devrait préciser bien des choses. La formation en salubrité s’ajoute ainsi à d’autre formations, comme celle de préposé aux bénéficiaires, visant à créer de véritables corps de métier (le terme est-il trop fort ?) à l’intérieur des RPA

Restera ensuite à maintenir un climat familial au sein de toute cette structure…

REFERENCES

(1) Manuel D’APPLICATION DU Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité de résidence pour personnes âgées, Ministère de la Santé et de Services sociaux, Québec, 2007… p. 31
http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2007/07-843-01.pdf

(2) MAPAQ, Guide du manipulateur d’aliments, Québec, 2009.
http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Guidemanipulateur5.pdf

(3) MAPAQ, Formation obligatoire en hygiène et salubrité alimentaires, Québec, 2011
http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/DepliantFHS.pdf

(4) Emmanuel Grill, Profession : salubriste, Synergie, Juin 2010, pp. 14-15.